> Les fondements
des paysages
I. Fondements géographiques et historiques
- 1. Les paysages et les reliefs
- 2. Les paysages et la géologie
- 3. Les paysages et l’eau
- 4. Les paysages et la couverture
végétale
- 5. Les paysages et l’espace
agricole
- 6. Les paysages, l’urbanisation
et les infrastructures
- 7. Les paysages et l’architecture
II/ Fondements culturels Aperçu sur les représentations des paysages de la Lozère
- Introduction
- 1. Les affreux pays, sauvages et incultes, des montagnes Lozériennes
- 2. La valeur des contrastes entre hauteurs incultes et vallées cultivées
- 3. La valeur des paysages travaillés par l’homme
- 4. La naissance du pittoresque et du tourisme
- 5. Les immensités Lozériennes, comme un océan
- 6. Une valeur paysagère liée à celle de l’écologie
- 7. Des paysages ouverts et perchés dans le ciel : la dimension mystique des paysages de Lozère
- 8. Les disgrâces de l’évolution contemporaine
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> Les fondements
des paysages de la Lozère
II/ Fondements culturels
Aperçu sur les représentations
des paysages de la Lozère
8. Les disgrâces de l’évolution contemporaine
« la laideur toujours empressée à
se montrer »
Sous le pudique titre « le département de
la Lozère », publié en 1996, Renaud Camus règle
ses comptes avec les travers des évolutions contemporaines du paysage.
Il fait montre d’une forme plus critique et plus exigeante du rapport
au cadre de vie, moins aveugle que les guides touristiques, qui n’en
disent mot, et des discours, toujours convenus. Pour lui,
« l’immense majorité des hommages
qui sont rendus (au paysage) sont de pure forme, hypocrites, hâtifs,
conventionnels et distraits. Ce sont des discours morts : les mots et les
concepts sont encore debout et défilent comme à la parade,
armée fantôme ; mais ils n’ont aucune épaisseur
de chair ni de sens – pur déplacement d’air».
A sa façon, l’ouvrage de R. Camus témoigne
qu’au seuil du XXIe siècle, l’homme ne peut plus se contenter
des œillères pudiquement posées par les guides touristiques
ou les discours sur le paysage, qui concentrent le regard sur les seuls éléments
remarquables à visiter (villes ou monuments), pour mieux oublier la
médiocrité ambiante des environs.
Désormais, le paysage dans son ensemble compte, la qualité
de l’objet comme celle de son contexte. Et l’expérience
s’avère souvent cruelle …
Ainsi à propos de Saint-Chély-d’Apcher
:
« La ville abuse nettement, tout de même,
du privilège de toutes les villes, désormais, avoir de hideux
abords. Dans ces vastes banlieues du néant, un manoir infortuné
achève de se noyer : le château de Billière, sur un
chemin qui ne mène nulle part. Il ne serait pas plus vilain qu’un
autre ; mais plutôt que de s’épuiser à le chercher
entre les parkings de supermarchés, les écoles hôtelières
et les voies de garage des gares, mieux vaut s’enfermer, en ville,
avec la beauté soigneusement épinglée, dans le musée
des Papillons. »
Et à propos de la RN 88 vers Chanac :
« les grands axes sont invariablement fatals aux
paysages – sauf quand on vient de les créer, peut-être,
sur des parcours qui ne les appelaient pas naturellement. Ainsi la nouvelle
autoroute est superbe, au nord de Saint-Chély-d’Apcher : on
roule vers l’Auvergne, le relief se suspend sous vous pour la profonde
vallée de la Truyère, on croirait qu’on va s’envoler.
Mais la grande circulation attire à elle, en quelques mois, la laideur
toujours empressée à se montrer ; et bientôt ce ne sont
plus que panneaux publicitaires, stations-services, petites usines avides
de notoriété, hôtels, motels et villages de vacances,
qui commencent par gâcher avec méthode tout espace alentour
– néons, parcs de stationnement, signalisation, voies d’accès
– afin que la clientèle ne soit pas trop désemparée,
quand elle arrive, et forcée de reconnaître qu’on se croirait
à la maison… »
Laissons à R. Camus le mot de la fin :
« La Lozère a quelque chose d’unique,
qui est l’immensité de l’espace, et la beauté de
ses paysages. Fassent le ciel, et la volonté des hommes, qu’elle
n’aille pas sacrifier ce trésor, par soumission à la
contingence, par ses pratique, par sens économique, par imitation,
au désir banal d’avoir la même chose que les autres, la
même chose et sans doute en moins bien !»
Renaud Camus, le département de la Lozère,
POL 1996
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