Atlas des paysages - Diren Languedoc-Roussillon
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> Les fondements des paysages

I. Fondements géographiques et historiques

  1. 1. Les paysages et les reliefs
  2. 2. Les paysages et la géologie
  3. 3. Les paysages et l’eau
  4. 4. Les paysages et la couverture végétale
  5. 5. Les paysages et l’espace agricole
  6. 6. Les paysages, l’urbanisation et les infrastructures
  7. 7. Les paysages et l’architecture

II/ Fondements culturels
Aperçu sur les représentations des paysages de la Lozère

  1. Introduction
  2. 1. Les affreux pays, sauvages et incultes, des montagnes Lozériennes
  3. 2. La valeur des contrastes entre hauteurs incultes et vallées cultivées
  4. 3. La valeur des paysages travaillés par l’homme
  5. 4. La naissance du pittoresque et du tourisme
  6. 5. Les immensités Lozériennes, comme un océan
  7. 6. Une valeur paysagère liée à celle de l’écologie
  8. 7. Des paysages ouverts et perchés dans le ciel : la dimension mystique des paysages de Lozère
  9. 8. Les disgrâces de l’évolution contemporaine
> Les fondements des paysages de la Lozère

I. Fondements géographiques et historiques des paysages de la Lozère

3. Les paysages et l'eau


Le département des sources

Mince filet d'eau dans une petite dépression au flanc du Mont Lozère : l'une des 437 rivières naissantes du département.

Lorsque le département de la Lozère est créé en 1790 sur des délimitations assez proches de l'ancienne province du Gévaudan, on hésite un moment sur son appellation : faut-il l'appeler le « département des sources » ? Il distribue en effet généreusement de l'eau dans toutes les directions, comme un château d'eau, au point d'être le seul département continental à ne pas recevoir de ruisseau de l'extérieur. On a compté pas moins de 437 rivières naissantes dans le département, qui ensemble, couvrent 2896 kilomètres de linéaire ! Trois bassins versants sont alimentés :

  • celui du Rhône avec le Chassezac et les gardons, qui dévalent et sculptent les pentes cévenoles ;
  • celui de la Loire avec l'Allier et ses affluents ;
  • celui de la Garonne enfin avec le Lot, la Truyère et le Tarn, qui domine très largement en terme de superficie, couvrant les ¾ ouest du département.

Les rivières sont alimentées par des précipitations abondantes de l'ordre de 900 à 1000 mm, avec des records pour le Mont Aigoual le bien nommé (2300 mm en moyenne).

Sur la majeure partie du territoire, la naissance des eaux s'opère discrètement, à la faveur d'une micro dépression humide.


Des paysages de gorges spectaculaires

Les gorges du Tarn taillées par l'eau, vues depuis le belvédère de Saint-Chély-du-Tarn
Cascade sur un affluent du Luech, près de Vialas

Ce n'est qu'au fil de son cheminement que des vallées se creusent, générant des cascades, et se poursuivant même souvent en gorges spectaculaires, quel que soit le substrat creusé :

  • gorges sombres et inquiétantes lorsqu'elles sont taillées dans les granites ou les basaltes : la Truyère, le Chassezac et l'Allier dans le granite (les gorges de cette dernière se creusant dans le département voisin de la Haute-Loire), le Bès dans le basalte,
  • gorges lumineuses lorsqu'elles scient le calcaire, avec le Tarn et la Jonte.


Des lacs rares

Le lac de Saint-Andéol dans l'Aubrac, hérité de l'époque glaciaire
Le lac de Naussac, aux rives douces côté ouest et raides côté est
Le lac de Villefort engoncé dans la vallée de l'Allier
Le lac de Charpal et son paysage « scandinave » en Margeride

Les lacs naturels sont hérités de l'époque glaciaire, concentrés essentiellement en quelques petites taches bleues sur les étendues vertes de l'Aubrac : lac des Salhiens, de Saint-Andéol, de Souvérols, de Born.

La Margeride a fait l'objet d'aménagements hydrauliques pour les réserves d'eau et la production hydroélectrique :

  • le lac de Charpal sur le plateau du Roi, environné de forêts de résineux, évoque des paysages scandinaves ;
  • la plus grande étendue d'eau créée, le réservoir de Naussac près de Langogne, couvre 1050 hectares ;
  • le lac de Villefort, sur l'Altier ;
  • le lac de Rachas, sur le Chassezac.


Les valats, serres et boraldes des schistes

Contrairement au restant du département, l'eau qui naît dans les schistes, plus sensibles à l'érosion que les granites, les calcaires et les basaltes, a formé dès l'amont d'énormes valats, marquant de façon spectaculaire le départ des gardons cévenols vers les garrigues languedociennes. Dans le paysage, ces énormes échancrures se traduisent par des vues dominantes spectaculaires, bienvenues dans le contexte très boisé des Cévennes. Certains villages, comme Barre-des-Cévennes, occupent une véritable position de balcon suspendu au-dessus des vallées naissantes (Vallée Française).

Sous le basalte du plateau de l'Aubrac, les schistes mis à nu par l'érosion présentent le même type de paysage dans les boraldes, ces longues croupes creusées de profondes vallées en V qui descendent sur la vallée du Lot.

Pour ces deux types de paysages, le franchissement des cours d'eau, plus problématique qu'ailleurs, a généré une architecture de ponts remarquables qui contribuent à la qualité des paysages.


Les « déserts » caussenards

Effondrement de surface trahissant la présence d'un gouffre sur le causse de Montbel

Dans cette prodigalité générale de l'eau, les causses font évidemment exception : là, la carte de l'eau reste aussi blanche que les calcaires caussenards qui la laissent filer. La nature karstique du socle géologique est incapable de retenir l'eau, générant ces formidables étendues de pelouses broutées par les ovins, mais aussi ces masses boisées d'espèces adaptées à la sécheresse, capables d'aller chercher l'eau loin en profondeur : chêne pubescent, pin sylvestre, pin noir d'Autriche, ou encore ces paysages intermédiaires de friches calcaires sèches à base de buis et de genévriers, qui préparent l'arrivée de la forêt.
Seules les lavognes offrent des points d'eau fort discrets dans le paysage, micro dépressions tapissées d'argiles de décarbonatation, capables de piéger l'eau et utilisées voire aménagées comme abreuvoirs pour les troupeaux.
Dans l'habitat caussenard, l'absence d'eau se lit dans l'architecture, où tout est prévu pour piéger l'eau du ciel (il pleut 900 mm par an sur les causses) et l'emmener dans la précieuse citerne creusée dans le socle calcaire, étanchée et souvent directement accessible depuis l'intérieur de la maison.
La même absence d'eau se lit sur les petits causses, comme celui de Montbel, dont la nature karstique, aux marges des couches apparentes de granite, ne se lisent qu'avec un oil exercé dans le paysage : petites cuvettes d'effondrement dans les pâtures, comme un trou de bombe inattendu.


Des usages intensifs de l'eau pour les loisirs

Canoës sur le Tarn à La Malène
Baigneurs au Pont-de-Montvert, en plein village
Baigneurs sur le Tarn, en pleine nature


Tous les paysages de gorges sont aujourd'hui appréciés pour l'escalade et la varappe.
Les gigantesques échancrures du Tarn et de la Jonte dans les calcaires composent les paysages les plus spectaculaires et les plus célèbres du département. Avec le Tarn, parcourable en canoë-kayak, l'eau fait l'objet d'usages particulièrement intenses pour les loisirs, d'autant plus appréciée et précieuse qu'elle s'inscrit au cour des étendues désertiques des causses. La mise en valeur de l'eau du Tarn pour les loisirs a été délibérée et organisée, avec la création de la spectaculaire route touristique des gorges du Tarn au début du XXe siècle.

Ailleurs, c'est l'activité de la pêche qui domine, grâce à la grande qualité des eaux vives du département.

Quant à la baignade, elle est aujourd'hui pratiquée partout où les ressauts la piègent, en profitant des blocs granitiques arrondis ou des grandes dalles de schistes ou de calcaire selon les rivières.

Les paysages de l'eau sont également ceux, invisibles en surface, des grottes et des avens creusés et sculptés de façon extraordinaire par la dissolution et le transport du calcaire par l'eau, qui contribue aujourd'hui largement à l'attrait touristique du département et à une pratique de la spéléologie intensive.

L'eau est ainsi aujourd'hui intensivement utilisée pour les loisirs, faisant du paysage de l'eau au sens large un enjeu majeur en terme de préservation, de gestion de l'intensité de fréquentation, et de qualité d'accueil.

L'héritage d'un patrimoine lié à l'eau et la mise en valeur de l'eau dans les villes et villages.

Le Pont-de-Monvert et son quai sur le Tarn, créé au XIXe siècle
Meyrueis et les bords du Bethuzon, affluent de la Jonte, aménagés en quais promenade
Restaurant en passerelle sur le Bethuzon à Meyrueis
La Canourgue et le passage étonnant des eaux de l'Urugne, affluent du Lot, à travers la ville
Détail de conduite de l'eau taillée dans le granite à l'Ecomusée du Mont Lozère
Abreuvoir à Rieutord d'Aubrac

Les loisirs succèdent aux usages économiques, aujourd'hui tombés en désuétude, mais livrant un patrimoine bâti encore peu mis en valeur : moulins à farine, à foulon, mégisseries, scieries, filatures, canaux d'irrigation,. A partir du XIXe siècle l'activité » industrielle s'est quasiment exclusivement implantée au bord des rivières aménageables du département : l'Allier, la Colagne, le Lot, le Tarn, la Truyère.

Dans les villes et les villages de Lozère, l'eau a souvent fait l'objet d'aménagements de grande qualité, pour la franchir, la border, la conduire, en un mot l'apprivoiser. On retient par exemple l'originalité du traitement de l'eau de l'Urugne à La Canourgue, où l'on prend plaisir à suivre son parcours jusque sous les voûtes des maisons. On pense aussi à Meyrueis, dont le nom signifie « au milieu des ruisseaux » et qui a développé des espaces publics urbains agréables liés à l'eau, jusqu'à des passerelles-restaurants. Mais en bien des endroits, des plus petits villages aux villes les plus importantes comme Mende et ses bords du Lot, l'eau reste encore largement à remettre en valeur dans sa traversée « fertile » des tissus habités.

 


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