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I. Fondements géographiques et historiques
II/ Fondements culturels
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> Les fondements des paysages de la Lozère I. Fondements géographiques et historiques des paysages de la Lozère3. Les paysages et l'eau
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Mince filet d'eau dans une petite dépression au flanc du Mont Lozère : l'une des 437 rivières naissantes du département. |
Lorsque le département de la Lozère est créé en 1790 sur des délimitations assez proches de l'ancienne province du Gévaudan, on hésite un moment sur son appellation : faut-il l'appeler le « département des sources » ? Il distribue en effet généreusement de l'eau dans toutes les directions, comme un château d'eau, au point d'être le seul département continental à ne pas recevoir de ruisseau de l'extérieur. On a compté pas moins de 437 rivières naissantes dans le département, qui ensemble, couvrent 2896 kilomètres de linéaire ! Trois bassins versants sont alimentés :
Les rivières sont alimentées par des précipitations abondantes de l'ordre de 900 à 1000 mm, avec des records pour le Mont Aigoual le bien nommé (2300 mm en moyenne).
Sur la majeure partie du territoire, la naissance des eaux s'opère discrètement, à la faveur d'une micro dépression humide.
Les gorges du Tarn taillées par l'eau, vues depuis le belvédère de Saint-Chély-du-Tarn | |
Cascade sur un affluent du Luech, près de Vialas |
Ce n'est qu'au fil de son cheminement que des vallées se creusent, générant des cascades, et se poursuivant même souvent en gorges spectaculaires, quel que soit le substrat creusé :
Les lacs naturels sont hérités de l'époque glaciaire, concentrés essentiellement en quelques petites taches bleues sur les étendues vertes de l'Aubrac : lac des Salhiens, de Saint-Andéol, de Souvérols, de Born.
La Margeride a fait l'objet d'aménagements hydrauliques pour les réserves d'eau et la production hydroélectrique :
Contrairement au restant du département, l'eau qui naît dans les schistes, plus sensibles à l'érosion que les granites, les calcaires et les basaltes, a formé dès l'amont d'énormes valats, marquant de façon spectaculaire le départ des gardons cévenols vers les garrigues languedociennes. Dans le paysage, ces énormes échancrures se traduisent par des vues dominantes spectaculaires, bienvenues dans le contexte très boisé des Cévennes. Certains villages, comme Barre-des-Cévennes, occupent une véritable position de balcon suspendu au-dessus des vallées naissantes (Vallée Française).
Sous le basalte du plateau de l'Aubrac, les schistes
mis à nu par l'érosion présentent le même
type de paysage dans les boraldes, ces longues croupes creusées
de profondes vallées en V qui descendent sur la vallée du
Lot.
Pour ces deux types de paysages, le franchissement des cours d'eau,
plus problématique qu'ailleurs, a généré
une architecture de ponts remarquables qui contribuent à la qualité
des paysages.
Effondrement de surface trahissant la présence d'un gouffre sur le causse de Montbel |
Dans cette prodigalité générale
de l'eau, les causses font évidemment exception : là,
la carte de l'eau reste aussi blanche que les calcaires caussenards
qui la laissent filer. La nature karstique du socle géologique
est incapable de retenir l'eau, générant ces formidables
étendues de pelouses broutées par les ovins, mais aussi
ces masses boisées d'espèces adaptées à
la sécheresse, capables d'aller chercher l'eau loin
en profondeur : chêne pubescent, pin sylvestre, pin noir d'Autriche,
ou encore ces paysages intermédiaires de friches calcaires sèches
à base de buis et de genévriers, qui préparent l'arrivée
de la forêt.
Seules les lavognes offrent des points d'eau fort discrets
dans le paysage, micro dépressions tapissées d'argiles
de décarbonatation, capables de piéger l'eau et utilisées
voire aménagées comme abreuvoirs pour les troupeaux.
Dans l'habitat caussenard, l'absence d'eau se lit dans
l'architecture, où tout est prévu pour piéger
l'eau du ciel (il pleut 900 mm par an sur les causses) et l'emmener
dans la précieuse citerne creusée dans le socle calcaire,
étanchée et souvent directement accessible depuis l'intérieur
de la maison.
La même absence d'eau se lit sur les petits causses, comme
celui de Montbel, dont la nature karstique, aux marges des couches apparentes
de granite, ne se lisent qu'avec un oil exercé dans
le paysage : petites cuvettes d'effondrement dans les pâtures,
comme un trou de bombe inattendu.
Canoës sur le Tarn à La Malène | |
Baigneurs au Pont-de-Montvert, en plein village | |
Baigneurs sur le Tarn, en pleine nature |
Tous les paysages de gorges sont aujourd'hui appréciés
pour l'escalade et la varappe.
Les gigantesques échancrures du Tarn et de la Jonte dans les calcaires
composent les paysages les plus spectaculaires et les plus célèbres
du département. Avec le Tarn, parcourable en canoë-kayak,
l'eau fait l'objet d'usages particulièrement
intenses pour les loisirs, d'autant plus appréciée
et précieuse qu'elle s'inscrit au cour des étendues
désertiques des causses. La mise en valeur de l'eau du Tarn
pour les loisirs a été délibérée et
organisée, avec la création de la spectaculaire route touristique
des gorges du Tarn au début du XXe siècle.
Ailleurs, c'est l'activité de la pêche qui domine,
grâce à la grande qualité des eaux vives du département.
Quant à la baignade, elle est aujourd'hui pratiquée
partout où les ressauts la piègent, en profitant des blocs
granitiques arrondis ou des grandes dalles de schistes ou de calcaire
selon les rivières.
Les paysages de l'eau sont également ceux, invisibles en
surface, des grottes et des avens creusés et sculptés de
façon extraordinaire par la dissolution et le transport du calcaire
par l'eau, qui contribue aujourd'hui largement à l'attrait
touristique du département et à une pratique de la spéléologie
intensive.
L'eau est ainsi aujourd'hui intensivement utilisée
pour les loisirs, faisant du paysage de l'eau au sens large un enjeu
majeur en terme de préservation, de gestion de l'intensité
de fréquentation, et de qualité d'accueil.
Les loisirs succèdent aux usages économiques,
aujourd'hui tombés en désuétude, mais livrant
un patrimoine bâti encore peu mis en valeur : moulins à farine,
à foulon, mégisseries, scieries, filatures, canaux d'irrigation,.
A partir du XIXe siècle l'activité » industrielle
s'est quasiment exclusivement implantée au bord des rivières
aménageables du département : l'Allier, la Colagne,
le Lot, le Tarn, la Truyère.
Dans les villes et les villages de Lozère, l'eau a souvent
fait l'objet d'aménagements de grande qualité,
pour la franchir, la border, la conduire, en un mot l'apprivoiser.
On retient par exemple l'originalité du traitement de l'eau
de l'Urugne à La Canourgue, où l'on prend plaisir
à suivre son parcours jusque sous les voûtes des maisons.
On pense aussi à Meyrueis, dont le nom signifie « au milieu
des ruisseaux » et qui a développé des espaces publics
urbains agréables liés à l'eau, jusqu'à
des passerelles-restaurants. Mais en bien des endroits, des plus petits
villages aux villes les plus importantes comme Mende et ses bords du Lot,
l'eau reste encore largement à remettre en valeur dans sa
traversée « fertile » des tissus habités.
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