> Les fondements des
paysages du Gard
II/ Fondements culturels
Aperçu sur les représentations
des paysages du Gard
Les garrigues :
Un monde de contrastes
La garrigue est longtemps restée un monde dont l’aridité
a rebuté les voyageurs :
« Trois heures d’ennui de Nîmes à
Dions ; encore faut-il pas trop de vent et un beau soleil » écrit
le Pasteur Emilien Frossard, en 1834.
Même Félix Mazauric, pourtant l’un des
« inventeurs » des paysages des gorges du Gardon, témoigne
au tournant des XIXe et XXe siècle :
« Rien de plus triste que ce bois aride, sec, pelé,
(…) aux garrigues rabougries (…), lorsque l’âme est
encore pleine de tristesse par l’aspect de cette désolation
».
La valeur des paysages de garrigue vient des contrastes
offerts entre cette aridité des collines et l’aspect riant et
fertile des plaines :
« L’Uzège possède un charme
prenant (…) Son pittoresque dû à sa lumière, aux
contrastes si accusés entre ses vallées et sa garrigue…
»
Alfred Chabaud,
l’Uzège, Ateliers Henri Péladan, 1966
Un monde plurisensoriel
La richesse multisensorielle valorise la garrigue, à
la fois bruissante et odorante. Gaston Baissette montre bien comment ce monde
ne s’arrête pas à la vue, mais se perçoit autant
par ses textures, ses odeurs et ses bruits :
« Dans la garrigue, les parfums s’éveillent
au moindre contact. Elle pique en parfumant. Depuis l’absinthe jusqu’à
l’aspic, qui n’est point serpent mais lavande, les arômes
couvrent ses flancs. (…) Cette pulsation des pierres, c’était
justement le bruit des cigales, leur vacarme emplissait tout, de tous les
coins de l’horizon elle venait, ( …) Ca devenait le halètement
même de la garrigue, des euphorbes, des thyms, des grenadiers…
».
La valeur de l’eau
Lorsque l’eau est présente, le monde de la
garrigue devient alors particulièrement valorisant. Les bords de l’eau,
et plus encore les gorges, prennent d’autant plus d’importance
dans l’expression sensible des témoins :
« Il convient de vous arrêter ici, dans
cette vallée, lorsque le ciel s’embrase, et de goûter
un instant la fraîcheur de la Fontaine d’Eure, contre le mur
de rocher heurté par le grand soleil. Entre les pans de pierres brûlantes,
la vallée se révèle oasis et l’eau, teintée
d’azur, devient bain de nymphes et retraites de naïades ».
Alfred Chabaud,
l’Uzège, Ateliers Henri Péladan, 1966
Les gorges et leur évocation du bassin méditerranéen
biblique
Les gorges du Gardon, avec leurs eaux scintillantes et prises dans de hautes
parois rocheuses, cristallisent l’attention des voyageurs :
« La roche n’a plus cette coloration si
terne à la vue (…) et cette chaleur de ton réchauffe
vivement l’âme engourdie (…), en bas, tout en bas, la rivière
aux flots argentés déroule capricieusement ses lacets interminables
; (…) Vraiment ce spectacle est impressionnant au suprême degré
».
Félix Mazauric
« La gorge devient romantique silencieuse et solitaire
; ses roches blanches et ses broussailles sauvages surplombent la rivière
transparente et colorée dont le cours sans hâte est marqué
çà et là d’un bassin plus profond. »
Henry James,
1877, Voyage en France, Paris, R. Laffont 1987
Les témoignages évoquent alors d’autres contrées
Méditerranéennes, parlant d’oasis, d’oueds et évoquant
des images bibliques :
« Splendides, ces défilés du Gard
inférieur entre leurs rochers blancs ou colorés ; c’est
une de ces clus du lumineux Midi, plus belles avec leur pierre vive, leurs
flots transparents, leurs arbustes, que les vallées du nord ».
(…) On pourrait se croire chez Judas et chez Benjamin, dans un oued
descendant vers la Mer Morte ».
Onésime Reclus
« Au pont Saint-Nicolas (la route) traversait
le Gardon ; c’était la Palestine, la Judée. Les bouquets
de cistes pourpres ou blancs chamaraient la rauque garrigue, que les lavandes
embaumaient. Il soufflait par là-dessus un air sec, hilarant, qui
nettoyait la route en dépoussiérant l'alentour. (…) Aux
abords du Gardon croissaient des asphodèles et, dans le lit même
du fleuve, presque partout à sec, une flore quasi tropicale ».
André Gide,
Si le grain ne meure
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