> Les fondements
des paysages : sommaire
I. Fondements géographiques et historiques
- 1. Les paysages et les reliefs
- 2. Les paysages et la géologie
- 3. Les paysages et l’eau
- 4. Les paysages et la couverture
boisée
- 5. Les paysages et l’espace
agricole
- 6. Les paysages, l’urbanisation
et les infrastructures
II. Fondements culturels :
Aperçu sur les représentations des paysages du Gard
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> Les fondements des
paysages du Gard
I/ Fondements géographiques
et historiques
6. Les paysages, l’urbanisation et les infrastructures
Un territoire largement sous influence urbaine
La carte de l’urbanisation du Gard montre une intense
occupation de l’ensemble du territoire par l’urbanisation.
La maille des villages est serrée, et ne se relâche guère
que dans la grande plaine de la Camargue, sur le plateau de la Garrigue
de Lussan et dans les Cévennes de l’Aigoual et des Causses.
Les villes s’organisent aujourd’hui autour de quatre pôles
principaux : Nîmes, Alès et deux pôles liés
à la vallée du Rhône : Bagnols-Pont-Saint-Esprit et
Villeneuve-lès-Avignon. Cette présence bâtie dans
les paysages reflète l’emprise très ancienne des hommes
sur ce territoire, qui a légué un patrimoine urbain et architectural
toujours de qualité, parfois exceptionnel. Mais cette emprise est
également largement le fruit de l’histoire contemporaine,
telle qu’elle se raconte aujourd’hui : lorsqu’on parcoure
le département, la densité des villages est renforcée
par les signes omniprésents de la pression urbaine,
sous forme de lotissements et de zones d’activités. La logique
des déplacements modèle largement ces paysages urbanisés,
au point que l’histoire du développement urbain n’est
guère séparable de celle des infrastructures.
L’axe Rhôdanien
Le Rhône, axe majeur de transport, voit ses rives
rythmées par les implantations humaines anciennes, notamment commerciales,
développées à la croisée de la voie fluviale et
des voies terrestres sur des sites rocheux échappant aux crues du fleuve.
-
Pont-Saint-Esprit est une place de commerce attestée
dès le Ve siècle avant Jésus-Christ, positionnée
sur un rocher qui fixe les divagations du Rhône dans un couloir de un
kilomètre de large. Ses fonctions économique, religieuse et
militaire, s’intensifieront avec la création du pont au XIIIe
siècle.
-
Roquemaure est situé sur un petit bras du Rhône.
C’est également un ancien port très actif dans le commerce
des vins de la Côte du Rhône, berceau de l’appellation,
en face de Châteauneuf-du-Pape.
-
Beaucaire, à travers son patrimoine architectural
exceptionnel, garde la mémoire de l’intérêt
qu’elle a suscité à travers les siècles. Trait
d’union entre la mer et l’arrière-pays, et située
sur la voie Domitienne, elle a connu la prospérité, en partie
liée à la foire de la Sainte-Madeleine, énorme rassemblement
commercial fréquenté par les marchands de nombreuses provinces
de France comme de l’étranger : Allemands, Italiens, Espagnols,Catalans,
Levantins. Le chemin de fer et les nouveaux modes de commerces lui portent
un coup fatal au XIXe siècle.
La ville et son site forment aujourd’hui un paysage particulier
dans le Gard : colline calcaire au bord même du Rhône, présence
dominante du château en vis-à-vis de Tarascon, débouché
du canal du Rhône à Sète, urbanisation périphérique,
développement industriel à l’aval marqué par
la cimenterie, s’ajoutent pour en faire une unité de paysage
en soi.
-
Villeneuve-lès-Avignon tire plutôt son développement
de l’histoire religieuse très particulière au site.
Le rocher du mont Andaon, qui culmine à 68 m de hauteur sur la
rive droite du Rhône, accueille l’abbaye bénédictine
de Saint-André, qui succède aux ermitages des siècles
précédents. La commune d’Avignon étend sa domination
sur le rocher au XIIe siècle, construisant le Pont Saint-Bénézet
, dernier pont sur le Rhône avant la mer. Bénéficiant
de la protection du roi de France au XIIIe siècle, elle devient
« ville neuve », à la frontière du royaume.
La ville s’étend au XIVe siècle avec l’établissement
de la papauté en Avignon : c’est à Villeneuve que
les papes et les cardinaux viennent y établir leurs livrées
: les palais des cardinaux.
C’est principalement autour de cette implantation
historique de Villeneuve-lès-Avignon que la rive droite du Rhône
« Gardois » est marquée aujourd’hui par l’urbanisation
: elle est issue de la croissance de l’agglomération Avignonnaise,
qui bénéficie du « doublement » de l’axe fluvial
par l’autoroute A7 et du nœud ferroviaire qu’elle constitue,
dont le rôle est spectaculairement renforcé avec la création
du TGV Méditerranée en 2001. Les lotissements et zones d’activités
dominent l’occupation du sol, s’avançant dans le pays des
Garrigues, grignotant les collines sur la commune des Angles, mais aussi le
long de la RN 100 vers Remoulins et l’autoroute A9, et marquant également
le paysage de la plaine de Pujaut.
Ailleurs l’axe Rhôdanien est marqué par
les implantations industrielles qui bénéficient de la proximité
du fleuve et des infrastructures qui passent dans la vallée : centrale
thermique EDF d’Aramon et usines pharmaceutiques, centre atomique de
Marcoule, créé en 1955 près de Bagnols-sur-Cèze,
usines d’électro-métallurgie de l’Ardoise, au droit
de Laudun.
La mer
Les villes d’Aigues-Mortes et de Saint-Gilles témoignent du
rôle qu’a joué la mer dans les déplacements au Moyen-Age.
-
Saint-Gilles cumule les fonctions religieuses et commerciales
: cité portuaire, centre d’échange entre l’Orient
et l’Occident, reliée au littoral par des canaux et à
la mer par le Petit-Rhône, elle sert de port d’embarquement
des pèlerins vers la Terre Sainte au XIIe siècle. L’abbaye
de Saint-Gilles constitue en outre en soi un but de pèlerinage,
servant d’étape sur le chemin de Compostelle, reliée
au centre de la France (le Puy-en-Velay) par la voie Régordane
et à Arles.
-
Aigues-Mortes, créée en 1240, concurrence
puis prend la place de Saint-Gilles comme port d’embarquement. Les
deux croisades de Saint-Louis embarquent d’Aigues-Mortes, et la
ville devient durant toute la seconde moitié du XIIIe siècle
l’un des principaux nœuds commerciaux entre l’Europe
du Nord et les ports d’Italie et du Levant. Bordée par ses
impressionnants remparts qui témoignent de l’importance accordée
à la ville, Aigues-Mortes semble aujourd’hui comme échouée
en terre, à six kilomètres du rivage.
Nîmes et l’axe de la plaine Languedocienne
La plaine Languedocienne et les voies de communication ; la Voie Domitienne
La carte de l’urbanisation du Gard fait apparaître
l’importance de Nîmes, mais aussi l’étirement de
l’urbanisation à ses abords autour de l’axe que constituent
l’A 9 et la RN 86. Le rebord allongé de la Garrigue de Nîmes,
tourné vers le sud et bien desservi par ces infrastructures, compose
aujourd’hui de ce fait un paysage en soi, différent de la garrigue
proprement dite à l’amont et de la plaine de la Costière
à l’aval.
Les tracés de l’A 9 et de la RN 86 à travers le Languedoc
reprennent en bonne partie celui de la voie Domitienne, très ancienne
voie, attestée au IIIe siècle avant Jésus-Christ, contemporaine
de la célèbre via Appia de Rome à Capoue, et fréquentée
par les Grecs et les autochtones. Elle reliait l’Italie à l’Espagne.
A partir du IIe siècle avant Jésus-Christ, la conquête
de l’Espagne par Rome en 133 avant J.-C. renforce l’intérêt
de cet axe devenu stratégique pour l’Empire. L’obligation
de contrôler la liaison terrestre avec la nouvelle province ibérique
est un facteur décisif d’installation des troupes romaines dans
le Languedoc entre Alpes et Pyrénées.
Nîmes
Nîmes
bénéficie de cette romanisation et 2000 ans après,
est célèbre pour cet héritage à travers la
Maison Carrée, Les Arènes et la Tour Magne. Le développement
de la ville romaine a conduit à rechercher des sources d’approvisionnement
en eau, concrétisées au Ier siècle après J.-C.
avec la création du canal entre les sources d’Eure à
Uzès et la ville, serpentant sur près de 50 kilomètres,
en suivant des pentes extrêmement faibles (24,8 cm /km de pente
moyenne). Les contraintes topographiques de contournement des garrigues
de Nîmes par le canal ont obligé les romains à construire
des ouvrages d’art exceptionnels, dont le Pont du Gard constitue
le dernier témoin, enjambant les eaux du Gardon à 48 m de
hauteur, sur 275 m de long.
Aujourd’hui, la carte de l’urbanisation montre que la croissance
de l’urbanisation de Nîmes se mesure non seulement à
son allongement le long des axes A9/RN 86 mais aussi au grossissement
des villages de la Costière, tout proches, qui sont passés
en quelques années de villages à petites villes.
Sommières
Sommières,
au carrefour de routes essentielles, voit son essor favorisé par
la présence du pont sur le Vidourle, qu’emprunte la voie
Domitienne. Au Haut Moyen-Age, une partie de la population vient se fixer
autour du franchissement du Vidourle à « Sous-Meyre »
- Sommeire en occitan. Le quartier autour de la paroisse Saint-Pons, hors
d’atteinte des crues terribles du fleuve, constitue le noyau primitif,
vite suivi par l’urbanisation à l’aval du pont, rendu
possible par l’obstruction de cinq arches du pont antique pour former
une digue étanche.
Alès et les Cévennes
La
carte de l’urbanisation du Gard montre l’importance étonnante
de la « tache » urbaine d’Alès au nord-ouest,
mais aussi l’allongement de l’urbanisation dans les vallées
Cévenoles proches. La première mention de la ville ne date
que de 1120. En prenant le parti des croisés menés par Simon
de Montfort, elle prend le rang de centre économique et administratif
du pays cévenol au début du XIIIe siècle au dépens
d’Anduze, restée fidèle aux comtes de Toulouse. Posée
au pied des pentes Cévenoles, la ville d’Alès s’est
agrandie essentiellement au XIXe siècle avec le développement
de l’industrie minière. Des villes nouvelles comme Bessèges
et la Grand’Combe conquièrent les basses vallées,
l’ensemble étant relié dès 1840 au Rhône
par l’une des premières voies ferrées créées
en France. Si l’activité minière a cessé, l’urbanisation
continue à s’étendre largement dans les plaines du
pied des pentes Cévenoles, le centre ayant perdu une part de son
attractivité en ayant été rasé dans les années
1960 et remplacé par des tours et des barres d’immeubles.
Uzès et les Garrigues
La
carte des infrastructures fait apparaître le système étoilé
des routes du pays de l’Uzège qui convergent toutes vers
Uzès, comme aimantées par la silhouette urbaine qui offre
de loin les découpes de ses tours.
Cette convergence témoigne du rôle central de la ville dans
les Garrigues, dont les plaines sont densément occupées
de petits villages. Le marché d’Uzès, tenu le samedi
matin sur la Place aux Herbes, attire une foule largement composée
aujourd’hui de touristes. Elle réinsuffle la vie dans une
ville autrefois importante, siège d’un évêché
dès 450, et centre textile qui exportait vers l’Espagne et
l’Italie à la fin du Moyen-Age. Reprise aux Réformés
en 1629 par Louis XIII et Richelieu, elle perd sa bourgeoisie active avec
la Révocation de l’Edit de Nantes, puis son évêché
en 1790. Le lent déclin de la ville n’est arrêté
qu’à partir des années 1960 : elle bénéficie
alors de la restauration de son patrimoine immobilier. Aujourd’hui
à mi-chemin des grands pôles de développement urbains
du Gard (Nîmes, Alès, Avignon, la vallée du Rhône
de Bagnols/Pont-Saint-Esprit), la région centrale du département
vit une pression d’urbanisation « résidentielle »
qui s’ajoute à l’attraction touristique du secteur.
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