> Les fondements
des paysages : sommaire
I. Fondements géographiques et historiques
- 1. Les paysages et les reliefs
- 2. Les paysages et la géologie
- 3. Les paysages et l’eau
- 4. Les paysages et la couverture
boisée
- 5. Les paysages et l’espace
agricole
- 6. Les paysages, l’urbanisation
et les infrastructures
II. Fondements culturels :
Aperçu sur les représentations des paysages du Gard
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> Les fondements des
paysages du Gard
I/ Fondements géographiques
et historiques
4. Les paysages et la couverture boisée
Une puissante évolution de la couverture boisée sur le dernier
siècle
La carte des massifs boisés du Gard retranscrit
assez nettement les trois grands ensembles de paysages qui sont ceux de la
région : la montagne apparaît ainsi globalement boisée,
au nord-ouest, les plaines au sud apparaissent à l’inverse largement
ouvertes et les Garrigues entre les deux imbriquent de façon plus complexe
les masses boisées des plateaux et des collines, avec les espaces ouverts
agricoles des plaines et des vallons.
Dessinée il y a seulement 100 ans, cette carte aurait été
bien différente :
- les Cévennes étaient alors plus ouvertes
et moins boisées, à la faveur de la population rurale et ouvrière
qui habitaient dans les vallées. Partout les pentes Cévenoles
gardent la mémoire émouvante de l’emprise superbe de l’homme
sur un milieu difficile, avec les traverses ou bancels qui sculptaient la
montagne, retenaient les terres et aplanissaient les sols pour permettre leur
mise en culture. Ces terrasses disparaissent aujourd’hui sous les frondaisons
et se délitent ;
- les Garrigues, comme les Cévennes étaient davantage ouvertes,
exploitées et même surexploitées pour les besoins du bois
: pour se chauffer, pour cuire les aliments, pour fabriquer des outils, mais
aussi pour les teinturiers, les fondeurs, les distillateurs, les tuiliers,
les fabricants de chaux, et surtout les verriers et les charbonniers. La friche
entre les cultures et les bois était le royaume du mouton, rassemblé
en troupeaux de dizaines à plusieurs centaines de têtes, qui
contribuait largement à l’ouverture du paysage des Garrigues
;
- la forêt en Camargue se porte mieux depuis l’endiguement du
fleuve. Les essence forestières ont largement profité de cette
aubaine. Les lambeaux de forêt le long du Rhône et du Petit Rhône
et dans l’intérieur ne sont pas des vestiges mais des tentatives
de colonisation. Au nord, c’est l’agriculture qui cantonne la
forêt dans des marges étroites. Au sud, c’est le sel qui
est l’obstacle majeur à la progression de la forêt, qui
laisse place aux fourrés de faux-indigotiers et aux tamaris.
La garrigue des Garrigues
Dans
les Garrigues, la couverture boisée accompagne aujourd’hui
fidèlement les reliefs, accentuant la netteté des limites
et des contrastes entre les paysages des plateaux, qui prennent un caractère
de nature « sauvage » aux yeux des usagers, et ceux des plaines
cultivées où les traces d’humanisation sont plus flagrantes,
avec l’urbanisation, le passage des infrastructures et les cultures.
Sur les plateaux, les sols calcaires laissent filer l’eau dans les
profondeurs et le caractère sec est encore aggravé par l’irrégularité
des précipitations. La végétation a dû s’adapter,
formant la garrigue qui a donné son nom au pays.
La
garrigue n’est aujourd’hui que le pâle reflet de la
vraie forêt méditerranéenne à base de chênes
verts, de pistachiers térébinthes, de filaires, d’arbousiers,
qui préexistait. La carte montre bien en particulier sa dégradation
du côté de Nîmes, où elle prend un côté
broussailleux donné par le chêne kermès, qui forme
des fourrés bas quasi impénétrables, accompagné
de cistes, du romarin, de la lavande et de l’herbe à moutons,
la « baouco », ou brachypode rameux, qui renaît après
chaque pluie. Autour de Fons-sur-Lussan, le plateau prend des airs de
causse, avec une maigre végétation basse et les restes encore
bien présents des enclos que soulignent les murets de pierre sèche
calcaire. Les masses boisées résineuses restent rares et
minoritaires, même si des reboisements à base de cèdres
ont été faits, modifiant radicalement les ambiances. Les
vraies surfaces résineuses des garrigues couvrent des pans de collines
entre Quissac et Sommières et autour de Bagnols-sur-Cèze.
La couverture végétale Cévenole et son évolution
Des
essences méditerranéennes aux essences montagnardes : un
gradient progressif
Dans les Cévennes, ce sont les espaces ouverts qui prennent de
la valeur, face à la toison verte qui couvre les pentes autrefois
sculptées en terrasses et cultivées. D’après
l’Inventaire Forestier national, les ¾ des surfaces des serres
et des vallées cévenoles sont boisées dans le Gard
et en Lozère. Cette couverture boisée génère
des ambiances et des paysages très variés, depuis les forêts
chaudes des chênes verts à l’aval jusqu’aux hêtraies
humides et fraîches des pentes de l’Aigoual piquées
de résineux à l’amont. Mais ces variations génèrent
difficilement des découpages d’unités de paysage distinctes,
du fait de du gradient progressif qui fait évoluer la végétation,
et des interventions humaines qui ont largement réorganisé
le gradient naturel de la répartition de la végétation.
Le
châtaignier
La
couverture végétale Cévenole a en effet largement
évolué selon le besoin des hommes : les forêts de
chênes verts (yeuseraies) et de chênes (notamment chêne
blanc ou chêne pubescent), ont diminué au profit du châtaignier,
l’arbre à pain systématiquement favorisé jusqu’au
XIXe siècle. Depuis, l’exode rural, conjugué à
l’apparition de maladies (l’Encre dès 1871 et l’Endothia
dès 1957) ont ruiné la châtaigneraie qui ne fait plus
l’objet que de pratiques extensives. Des plantations de résineux
« en timbres-poste » voient le jour pour valoriser la place
laissée par le châtaignier : douglas et cèdres surtout.
Le
mûrier
Le mûrier, « l’arbre d’or », ne
subsiste aujourd’hui qu’à l’état de relique
ponctuelle. Mais il a marqué le paysage cévenol du XVIIe
siècle au XIXe siècle, son extension maximale étant
atteinte entre 1760 et 1820, tout comme celle du châtaignier et
du maximum démographique.
La maladie du ver à soie, apparue en 1845, puis la concurrence
des soies orientales à partir de 1880, ont conduit à la
disparition de la culture du mûrier.
Le
pin maritime
Dans les Cévennes du bassin minier, autour d’Alès,
de la Grand-Combe, de Bessèges, c’est le pin maritime qui
a été favorisé et qui marque aujourd’hui le
paysage. Il a été planté par les compagnies minières
ayant besoin de bois pour le soutènement des galeries de mines. La
forêt de l’Aigoual
Enfin, en altitude, les forêts de résineux et de
hêtres qui couvrent les pentes de l’Aigoual n’ont guère
plus de 100 ans. Elles ont été plantées sur des pentes
à nu, dégradées par la surexploitation des verriers
et le surpâturage (notamment des chèvres) qui posaient de
graves problèmes d’érosion. C’est sous l’instigation
de Georges Fabre, avec l’aide du botaniste Charles Flahaut, que
cette remarquable entreprise de « re-création paysagère
» a été réalisée après que la
loi de 1882 eût donné le pouvoir aux Eaux et Forêts
pour l’expropriation et le reboisement des zones à risque
d’érosion.
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