Introduction
1/ Synthèse régionale sur l’organisation des paysages :
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> Synthèse régionale > 2/ Synthèse régionale sur les enjeux : vers des objectifs de qualité paysagère 2/ Synthèse régionale sur les enjeux :
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La région Languedoc-Roussillon, et tout particulièrement la Lozère et les Pyrénées-Orientales, sont riches d’espaces : de grands espaces ouverts de nature, de respiration, d’évasion ; d’horizons, de balcons sur le ciel. Il s’agit d’une partie des causses, des sommets Cévenols, de la Margeride, de l’Aubrac, de la Cerdagne, du Capcir, des massifs du Canigou, du Carlit, du Mont Lozère, …
A ces altitudes de montagne, ce sont en particulier les activités de l’élevage qui garantissent l’existence des espaces ouverts : pâtures, cultures fourragères, prairies permanentes, zones de parcours. Chaque territoire a développé des spécificités adaptées aux conditions naturelles et structurelles : mono production de vache allaitante en Aubrac, grandes exploitations d’élevage d’ovins pour le lait et la viande sur les Causses, systèmes mixtes ovins/bovins et lait/viande en Margeride, agriculture diversifiée dans les Cévennes fondée en partie sur l’élevage caprin.
En Cerdagne et Capcir, l'agriculture reste dynamique. Elle contribue à dessiner d’étonnants paysages agricoles ouverts d’altitude, rares et originaux dans le contexte national. Le système extensif transhumant domine largement, avec la production de bovins et ovins viande et de chevaux lourds. Ce type d'agriculture nécessite une utilisation raisonnée de tous les étages de végétation. Dans cette économie, les espaces agricoles des plateaux de Cerdagne et du Capcir s’avèrent particulièrement précieux puisqu'ils assurent la production de fourrage, ressource indispensable à l'élevage : les prairies de fauches, et surtout les prairies irriguées, permettent de nourrir les troupeaux qui assurent l'entretien du milieu montagnard.
Les grands paysages ouverts sont d’abord fragiles car dépendants de la gestion. Si le surpâturage du XIXe siècle a contribué à provoquer de graves problèmes d’érosion, l’exode rural, l’abandon des terres et la fin de la transhumance des grands troupeaux a inversement conduit à une large fermeture des paysages d’altitude depuis 100 ans.
L’encouragement aux activités de l’élevage, à leur viabilité, est ainsi une mesure de fond en faveur des paysages de la région. Il doit conduire à la gestion des espaces ouverts. Sans gestion, pas d’espaces ouverts, pas d’immensité : la forêt vient spontanément occuper l’espace et refermer les horizons ; les boisements artificiels de résineux apparaissent guère compatibles avec cette valeur d’espace ouvert et de liberté et peuvent assombrir les ambiances et générer des sous-bois écologiquement pauvres. Cette dynamique s’observe sur les causses, dans les Cévennes, en Margeride, dans la Montagne Noire, dans le Capcir, dès que l’emprise humaine sur les milieux naturels s’affaiblit ; elle pourrait s’observer en Aubrac, sur les sommets cévenols, sur l’Espinouse et le Caroux, le Pays de Sault et le Canigou, si la gestion baissait la garde. Et si la forêt couvrait toutes les hauteurs régionales, accorderait-on une telle valeur à ses paysages ? A la diversité de ses milieux dits « naturels » ?
La gestion des espaces naturels ouverts (landes, pelouses alpines, maquis) et des espaces boisés (sous-bois) par le pastoralisme :
La gestion de la fréquentation du public :
La restauration des terrains en montagne (RTM) :
Mais la fragilité des espaces ouverts est également liée à leur nature intrinsèque. Les vastes horizons, qu’ils soient d’Aubrac, des Causses, des sommets Cévenols ou Margeridiens, de Cerdagne, du Capcir ou des sommets des Pyrénées, sont des paysages généralement très épurés, donc sensibles. La moindre présence d’un élément dans ces espaces dénudés prend une importance considérable, alors qu’elle resterait anecdotique, voire imperceptible, en situation plus bocagère ou boisée. Selon les cas, ces éléments contribuent à valoriser ou à dévaloriser le paysage. Ils le valorisent lorsqu’ils renforcent la personnalité du site (les burons de l’Aubrac, les murets de calcaire des Causses, les chaos rocheux granitiques de la Margeride ou du Mont Lozère, …) ; ils le dévalorisent lorsqu’ils affaiblissent cette personnalité, en banalisant le paysage : cas des lignes électriques et téléphoniques, sensibles dans ces paysages ouverts, ou de nombreux bâtiments agricoles récents qui ne signent pas l’identité du territoire par la banalité de leur implantation, de leur forme, de leurs matériaux ou de leur couleur.
Ainsi, malgré la situation et parfois les statuts assez préservés des grands espaces d’altitude de la région, il serait illusoire de les croire hors d’enjeux parce que simplement entretenus par les pratiques de l’élevage.
Au-delà du seul maintien d’espace ouvert, les agriculteurs éleveurs doivent pouvoir agir de façon adaptée pour produire un paysage non seulement ouvert mais de qualité. Au moins cinq objectifs méritent d’être recherchés :
Ainsi, les différentes formes d’aides à l’agriculture devraient largement se fonder sur des « plans de paysage agricole », véritables projets de paysages définissant les conditions de production d’un espace de qualité en intégrant les besoins de développement économique agricole, de protection de milieux ou d’espèces, et de pratiques et usages de l’espace. Ces projets pourraient nourrir en retour une synthèse sous forme de « charte paysagère et agricole » pour chacun des grands territoires d’altitude de la région.
La forêt s’est beaucoup étendue en montagne au cours des 100 dernières années, à la faveur de l’exode rural, de l’abandon des terres, des opérations de plantations de protection contre l’érosion, des aides du Fond Forestier National.
Elle continue à gagner du terrain aujourd’hui.
Quelques très beaux paysages forestiers se laissent découvrir dans le parcours des montagnes. C’est le cas notamment lorsque les feuillus se mêlent presque pied à pied aux résineux, avec une diversité d’essences favorable à la richesse biologique, mais aussi à la richesse paysagère, qui éclate à l’automne lorsque les teintes des arbres caducs flamboient : sur les pentes de l’Aigoual, à la faveur des opérations de reboisement menées par Fabre et Flahaut à la fin du XIXe siècle, mais aussi sur les pentes du Bougès ou du Mont Lozère, dans les gorges de la Jonte, dans les gorges de l’Aude et du Rebenty, dans le Haut-Fenouillèdes, dans le Quercorb, dans les Avants-Monts, …
C’est aussi le cas en Margeride, avec le pin sylvestre largement dominant, dessinant des lisières irrégulières et douces, et dont le port léger favorise la présence d’un sous-bois riche et diversifié, autorisant la cueillette si prisée des myrtilles ou des champignons.
Ailleurs, les paysages forestiers souffrent parfois de logiques monospécifiques de résineux plantés à grande échelle, peu favorables à la biodiversité et à l’agrément du paysage, pauvres biologiquement et austères.
La qualité des paysages forestiers passe par la capacité que l’on aura à diversifier les modes de gestion sylvicole, diversifier les essences et les peuplements forestiers issus du reboisement : développement de la filière bois-énergie, encouragement aux reboisements mixtes plutôt que monospécifiques résineux, développement de la futaie jardinée, requalification écologique et paysagère des lisières, …
La montagne offre des conditions de vie rudes : c’est vrai pour les habitants qui affrontent des hivers longs, mais vrai aussi pour les visiteurs qui y pratiquent des activités sportives. Dans un tel contexte, la qualité de l’accueil, et notamment des espaces publics, est particulièrement importante. Les petites villes de Meyrueis, de Florac, d’Ispagnac, du Bleymard, de Pont-de-Montvert, Anduze, Olargues, Caunes-Minervois, Villefranche-de-Conflent, Prats-de-Mollo, … marquées par l’activité touristique en étant aux portes des gorges, des grands causses, de l’Aigoual, du Mont Lozère, de la Montagne Noire, des Pyrénées, jouent clairement le rôle de havres de repos et de fraîcheur en été. Elles ont développé des espaces d’accueil conviviaux. Mais cette qualité des espaces d’accueil et de vie est un enjeu qui concerne bien d’autres villes et villages de la montagne. Et beaucoup d’actions restent à mener dans ce sens.
Les routes constituent des vecteurs évidents et essentiels de la découverte de la montagne. A ce titre, les aménagements de leurs abords méritent d’être soignés, car ils constituent les premiers plans permanents sur les grands paysages : traitement soigné des bas-côtés, des murets de pierres, création d’aires d’arrêt de qualité. Des exemples de qualité existent, signes visibles d’efforts déjà entrepris. D’autres portions de routes posent problème pour n’avoir reçu que des réponses techniques au coup par coup.
Au-delà du traitement même de leurs emprises, la maîtrise des abords hors emprises, notamment de l’urbanisation, reste un enjeu majeur qui mériterait des outils forts d’aménagement du territoire. C’est important pour les entrées de villes, comme celles de Mende, de Marvejols, de Florac, de Langogne, de Font-Romeu, de Mont-Louis, abîmées par les publicités ou par une urbanisation linéaire. Mais l’enjeu est de taille également autour de l’autoroute A75, vecteur principal d’arrivée en Lozère.
Aux espaces publics des villages ou stations et aux abords des routes s’ajoutent les aires de stationnement, notamment en milieu naturel ou touristique, et les aires de camping.
L’urbanisation dans les montagnes est un processus certes limité dans l’espace mais qui représente un fort enjeu pour la région (Mende/Marvejols, Cerdagne/Capcir). La dynamique urbaine s’inscrit en effet dans des territoires à la géographie marquée, faite de pentes fortes, de versants plus ou moins bien exposés, de reliefs dominants, de vallées, de vallons, de ruisseaux, de bocages souvent remarquables, de terrasses soutenues par des murets, de chemins, de relative rareté des espaces agricoles. Cette géographie puissante, ce paysage agricole ou de nature remarquable, restent malheureusement trop souvent considérés comme une somme de « contraintes » dont il faut se débarrasser : par arrachage des haies, par arasement des murets, par terrassements et aplanissements, par busage des ruisseaux, par mitage insidieux. Pourtant les éléments du paysage en place peuvent aussi constituer des opportunités pour inscrire les nouvelles habitations, les nouveaux quartiers, les nouvelles activités de façon harmonieuse dans leur site, tout en créant un cadre de vie spécifique et de très grande valeur. L’enjeu est de taille car l’attraction d’un pays se mesure beaucoup à la qualité du cadre de vie quotidien et non à la seule proximité de grands espaces de nature.
Des règles simples et efficaces manquent encore pour garantir la qualité de l’inscription de l’urbanisation sur ces espaces bien visibles, ouverts, où les covisibilités sont importantes, comme offerts en vitrine :
Le petit patrimoine rassemble tous les éléments naturels ou construits qui concourent à la personnalité d’un paysage :
Il s’agit souvent d’éléments modestes dans le paysage, mais leur importance est pourtant capitale. C’est l’accumulation de ces éléments particuliers qui font le charme et le caractère d’un paysage. Pour oser une image culinaire, le petit patrimoine est le sel du paysage, ce qui rehausse le goût et lui donne de la saveur. La montagne en est encore bien pourvue et la valeur de ces éléments se mesure au grand nombre de cartes postales qui en font un sujet de prédilection.
Le petit patrimoine tend imperceptiblement à disparaître. Plusieurs phénomènes se conjuguent :
Par ailleurs les éléments nouveaux qui apparaissent dans le paysage ne sont pas construits pour constituer le patrimoine de demain : cas de certains bâtiments agricoles récents, standardisés et donc banals.
Alors que le patrimoine naturel des espèces floristiques et faunistiques fait l’objet d’inventaires précis, qui se traduisent par des ZNIEFF, voire par des cartographies à l’échelle de la parcelle dans le cas de Natura 2000, le petit patrimoine de paysage est totalement ignoré car non apparent dans les documents d’aménagement. Les cartes laissent en blanc des espaces pourtant riches de nombreux éléments qui construisent le paysage : pas de représentation des terrasses, des murs, des arbres isolés, des haies, etc sur les plans d’urbanisme, sur les cadastres, sur les cartes IGN. La reconnaissance de ce petit patrimoine passe par son inventaire et sa représentation : repérage cartographique en premier lieu, notamment dans les documents d’urbanisme communaux (PLU et cartes communales), mais aussi repérage photographique, et diagnostic de son état. Cette identification est la première mesure de reconnaissance du petit patrimoine. Il peut alors être pris en compte pour nourrir les projets agricoles (remembrements, travaux agricoles, …), les projets d’urbanisme (documents d’urbanisme, projets d’urbanisation de logements, d’activités, …), les projets d’implantations d’équipements, les projets d’infrastructures.
Dreal Languedoc-Roussillon - Agence Folléa-Gautier, paysagistes-urbanistes
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