Introduction
1/ Synthèse régionale sur l’organisation des paysages :
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> Synthèse régionale > 2/ Synthèse régionale sur les enjeux : vers des objectifs de qualité paysagère 2/ Synthèse régionale sur les enjeux :
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Les longues plaines continues qui suivent le littoral en retrait de la Camargue (Costière) et des étangs (du Grau-du-Roi à Argelès-sur-Mer), ou qui s'étirent entre les confins du Massif Central et ceux des Pyrénées pour former le sillon Audois, n’offrent pas de reliefs marquants. Occupées essentiellement par la vigne ou par les céréales, plus ponctuellement par l’arboriculture fruitière et le maraîchage à la faveur de l'irrigation, elles présentent peu d’obstacles et restent très ouvertes. De ce fait, elles apparaissent souvent moins attractives en termes de paysage que le restant des paysages régionaux.
Elles constituent naturellement les couloirs de communication privilégiés pour la région. Aussi accueillent-elles depuis toujours les grandes voies de communication : l’antique Voie Héracléenne, devenue Voie Domitienne avec la conquête romaine, et les versions contemporaines que sont les autoroutes A9 et A61, la RN 9, la RN 86, la RN 113, la RN114, la RN116, le chemin de fer, la ligne TGV en cours et à venir, … S’y ajoutent les voies perpendiculaires reliant le littoral à l’arrière-pays.
La présence de ces grandes infrastructures, qui garantissent une bonne desserte, et la proximité attractive de la mer et des agglomérations (Nîmes Montpellier Béziers Narbonne Perpignan, auxquelles s'ajoutent Lézignan-Corbières, Carcassonne, Castelnaudary dans le sillon Audois), conduisent à une forte pression d’urbanisation sur ces plaines, pour l’habitat comme pour les activités.
Cette pression ne se traduit pas par du mitage d’urbanisation diffuse ; elle se concrétise plutôt par un grossissement des villages (étalement urbain), qui par endroits tendent à se rabouter entre eux, affaiblissant leur personnalité et développant progressivement un continuum de banlieue. L’urbanisation rapide des plaines a aussi pour conséquence la dégradation des limites des bourgs : on le lit en particulier aux entrées/sorties autour des routes, mais aussi plus globalement en circulant dans les espaces ouverts cultivés alentours : fonds de lotissements ou de zones d’activités, sans maîtrise paysagère de l’architecture, des espaces publics, des clôtures, des plantations et des dessertes. L’image des espaces agri-viticoles s’en trouve affectée, tout comme celle des bourgs eux-mêmes.
Les plaines ont ainsi une triple vocation : agricole, urbaine et de déplacements. Ces trois dimensions ne sont pas nécessairement contradictoires ; elles sont mêmes fondamentalement complémentaires. Mais pour être pérennes sur le long terme, et pour éviter tout gâchis d’espace, préjudiciable à l’image de la région, à la qualité du cadre de vie de ses habitants et à l’économie générale du territoire - notamment agricole-, les relations entre urbanisation, infrastructures et espaces agricoles méritent d’être organisées de façon volontariste.
Il est d'autant plus urgent de mettre en place ces objectifs de qualité paysagère que la crise viticole accélère pour une part la fragilisation du cadre de vie par l’ouverture à l’urbanisation de parcelles de vignes sans avenir, pour des raisons économiques et sociales de circonstance : accentuation de l’étalement urbain et du mitage, consommation irréversible des terres agricoles, banalisation des limites et entrées de villes et villages, affaiblissement des centralités, délitement des sites bâtis.
Pour les paysages, les risques et les problèmes du réseau dilaté es grandes infrastructures dans les plaines sont :
Or les routes et autoroutes constituent les premiers vecteurs d’accès et de découverte du territoire : à ce titre elles doivent faire l’objet d’attention pour éviter l’accumulation progressive de « points noirs » dévalorisants. Les enjeux concernent les emprises, par les soins d’aménagement et de gestion que l’on saura y porter, mais aussi et surtout les 300 m de part et d’autre de ces grandes voies qui traversent les plaines. C’est là que se joue la qualité de la vitrine du territoire, en concurrence avec les intérêts particuliers des vitrines commerciales d’entreprises désireuses de se faire voir, et des opportunités foncières pour réaliser des opérations d’urbanisation. Car l’image d’un territoire ne se réduit pas à la présence visible de zones d’activités, somme toute banalisantes à l’échelle nationale puisque quasiment toutes fondées sur les mêmes modèles (voire les mêmes enseignes). Après tout, l’agriculture perceptible depuis les grandes infrastructures participe aussi de l’image d’activité de la région ; et quelle meilleure valorisation globale du plus grand vignoble du monde que de montrer la vigne sous son meilleur jour, c’est-à-dire amoureusement soignée comme un jardin ? La valorisation paysagère des grandes plaines passe ainsi par une veille foncière autour de ces grandes infrastructures et par la création d'un outil et de règles de mise à distance du développement : un Conservatoire du littoral … routier.
Sans être nécessairement spectaculaires, les sites bâtis des villes et des villages dans les plaines ne sont jamais posés au hasard et présentent toujours un intérêt. A ce titre, ils méritent d’être identifiés, reconnus, qualifiés, pour nourrir les choix de développement et de préservation en matière d’urbanisme.
Quelle que soit l’évolution des cultures agricoles, les structures arborées existantes participent à la qualité des paysages des plaines : ripisylves, arbres isolés, brise-vent, bosquets, bois, alignements, … Elles organisent l’espace de la plaine, enrichissent les milieux naturels et les ambiances, cadrent les vues, donnent de la profondeur, « humanisent » les échelles des surfaces cultivées, offrent des repères, marquent les horizons, composent des transitions avec les routes ou l’urbanisation, etc. La valeur de ces structures végétales peut être aussi sociale (ombrage, lieux de promenade, …), écologique et cynégétique (diversification des milieux et des habitats), techniques et économiques (protection des sols et des cultures contre l’érosion et le vent, valorisation des produits issus des plantations – bois, fruits, …-, valorisation touristique des espaces aménagés, …). A ce titre, elles méritent d’être identifiées (typologie : arbres isolés « signaux », bosquets et bois, haies, alignements d’arbres autour des voies, ripisylves autour des cours d’eau, …), repérées (notamment dans les documents d’urbanisme locaux), et faire l’objet de mesures de préservation, mais aussi de créations nouvelles et de gestion.
Le concept d’entrée de ville est insuffisant pour résoudre le problème de banalisation du paysage des grandes plaines à l’œuvre actuellement. La dégradation des abords des bourgs concerne en effet tout l’espace de contact entre « le bâti » et « le non bâti » ; elle ne se réduit pas aux seuls linéaires des voies d’entrées/sorties. C’est le concept du « tour de ville », ou de « lisière agro-urbaine », qu’il faut aujourd’hui développer : l’aménagement et la gestion, dans l’espace et dans le temps, d’une zone de contact plantée entre les espaces urbains ou à vocation urbaine, et les espaces à vocation naturelle et agricole.
Ces espaces peuvent prendre des formes très diverses : bande plantée de bois, bosquets, vergers, voie plantée et accompagnée de circulations douces, jardins familiaux, etc. Leur création doit être prévue dans les documents d’urbanisme et dans les opérations d’aménagement : emprises réservées des PLU, cahiers des charges des lotissements, plans d’aménagement des zones d’activités, plans d’aménagement des remembrements, … L’aménagement de ces espaces de transition doit intégrer la maîtrise urbaine, architecturale et paysagère des opérations de constructions, jusqu’aux clôtures et aux plantations des fonds de parcelles, dans les PLU et dans les permis de construire ou d’aménager.
Si le Canal du Midi cristallise l’essentiel de l’attraction et la fréquentation des bords de l’eau, les cours d’eau naturels qui drainent les plaines (le Tech et la Têt, l’Aude, le Fresquel, l’Orbieu et leurs affluents dans le sillon Audois, l’Orb, l’Hérault, le Lez, le Vidourle, le Vistre dans la Costière, le Gardon et le Rhône), méritent aussi une attention plus soutenue et volontariste en terme de préservation et de mise en valeur de leurs abords : bien que parfois à sec ou faiblement alimentés, ils concentrent une fraîcheur et un ombrage bienvenus dans les vastes étendues cultivées et aplanies, et diversifient les ambiances. Leur mise en valeur passe notamment par la création de bandes enherbées de protection et d’accompagnement, la gestion des berges et des ripisylves, le renforcement de l’ombrage et des plantations, l’accessibilité, le parcours par circulations douces, la mise en valeur des passages en ville ou village.
Le canal du Midi fait l’objet depuis plusieurs années d’efforts de reconnaissance et de protection comme patrimoine culturel d’exception. Il contribue de façon majeure à la qualité paysagère des grandes plaines de l’Aude, de l ’Orb et du Libron, du Lauragais et du Carcassès : par la finesses de son tracé dans les territoires, par la qualité des ouvrages construits, par l’ampleur des platanes qui l’accompagnent, par les ambiances qu’il offre (lumière, fraîcheur de l’ombre et de l’eau) et par la découverte douce du territoire qu’il autorise, en bateau, à pied ou à vélo.
Inscrit sur la liste du patrimoine mondial de l’humanité par l'UNESCO, protégé au titre des monuments historiques, il a fait l’objet d’études pour définir la « zone tampon » à instaurer à ses abords, qui doit permettre de préserver ou reconquérir sa relation avec les territoires traversés. Les diagnostics montrent en effet sa fragilité : proximité des grandes infrastructures, pression du développement de l’urbanisation, demandes de modifications des gabarits des ouvrages, gestion nécessaire des structures végétales, vieillissement et dégradation des ouvrages, problème du chancre coloré du platane, …
La Voie Domitienne est abondamment citée dans les guides touristiques et fièrement affichée sur les bords de l’autoroute A9. Mais concrètement elle se réduit à sa plus simple expression : au mieux un anonyme chemin rural d’exploitation. Il s’agit pourtant d’un linéaire qui mériterait davantage de mise en valeur, par exemple sous forme de « voie verte » à caractère culturel sur le thème de la gallo-romanité, ou sur celui des déplacements (chemins du sel, du poisson, drailles, chemins « ferrés », etc) ;
La position des grandes villes régionales dans les plaines ou à leur porte pose avec acuité le problème du mariage à trois qu'il convient d'organiser entre urbanisation, infrastructures et agriculture : autour de Nîmes (plaine du Vistre), de Montpellier, de Béziers, de Narbonne (plaine bocagère), de Perpignan (plaine du Roussillon), de Carcassonne (plaine du Carcassès) - auxquelles on peut ajouter Alès et sa plaine au pied des Cévennes -.
Pour contribuer à le mûrir à l'échelle de chacune de ces agglomérations, on peut évoquer le concept de ville agro-urbaine tel qu'il a été développé dans l'atlas des paysages pour la plaine du Roussillon, auquel on se reportera pour plus de détails ; les grandes lignes des principes étant :
Dreal Languedoc-Roussillon - Agence Folléa-Gautier, paysagistes-urbanistes
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