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des Pyrénées orientales : les enjeux majeurs
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> Paysages des Pyrénées orientales : les enjeux majeurs
6. La préservation et la gestion des grands espaces de nature
Dans les secteurs du département les moins soumis à la pression urbaine, les vastes espaces de nature connaissent une progression souvent spectaculaire de la couverture boisée, essentiellement liée à l'exode rural, à l'abandon des terres les moins favorables aux cultures, à la diminution de l'élevage ainsi qu'aux opérations de reboisement visant à limiter l'érosion. Ces territoires de nature occupent principalement l'étage intermédiaire, situés entre la plaine du Roussillon et la haute montagne, identifiés dans les grands ensembles paysagers du présent Atlas comme "les contreforts" et "la montagne" dans la partie "L'organisation des paysages des Pyrénées-Orientales".
Dans ces secteurs, au moins deux grands types de paysages se distinguent :
- la forêt arbustive méditerranéenne, en transition douce avec les espaces boisés de moyenne montagne,
- et les milieux naturels et paysages d'altitude, au-dessus de 1700 m à 2000 m d’altitude environ suivant l'orientation des versants.
Ils sont porteurs d’enjeux communs liés notamment à leur sensibilité paysagère, à la gestion d’espaces ouverts clefs pour le paysage, ou à la reconnaissance et à la préservation du patrimoine de pays qui les animent ; chacun est aussi porteur d’enjeux spécifiques liés à son mode de mise en valeur.
La forêt arbustive méditerranéenne
La forêt arbustive méditerranéenne, qu’elle soit garrigue ou maquis, couvre essentiellement les parties basses des massifs des Aspres, du Fenouillèdes, des Corbières dans le prolongement du département voisin de l'Aude, du Conflent, du Vallespir et des Albères. Elle correspond sensiblement aux contreforts de la montagne tels qu'identifiés dans la partie "l'organisation des paysages" du présent atlas. L'abandon du pastoralisme (ovins) entraîne un embroussaillement de ces espaces qui deviennent particulièrement sensibles aux incendies.
Les principaux enjeux en matière de paysage sont :
- la préservation des crêtes, nombreuses, qui découpent les pentes chahutées, et qui rendent sensibles ces collines déroulées autour de la plaine du Roussillon en contrefort de la montagne. C’est particulièrement vrai pour le Fenouillèdes, riche d’une grande diversité de micro-sites et de paysages, du fait des creusements de l’Agly et de ses affluents (coteaux, collines, petits plateaux, falaises et petits ravins), mais aussi des sols très variés qui se succèdent à proche distance : granites, schistes, calcaires crétacés, calcaires jurassiques, …) ;
- le maintien d’espaces ouverts dans les secteurs les plus sensibles (abords des villages, des lieux habités et des éléments de patrimoine, abords des chemins de randonnées ; points de vues, fonds de vallons, …) : encouragement au pastoralisme, aux cultures, au fauchage
- la prévention des risques incendie : création de coupures agricoles
- l’identification, la protection et la gestion du petit patrimoine de pays : murets, terrasses, cabanes, ...
- la préservation et la gestion des petites plaines et coteaux viticoles qui animent ces espaces naturels, notamment dans les Corbières et le Fenouillèdes où la vigne souligne la topographie chahutée des reliefs, diversifie l’occupation des sols, anime les étendues naturelles et contraste agréablement avec la végétation sèche qui la domine.
Les espaces boisés de moyenne montagne
Dans le Vallespir, la forêt couvre près de 70% du territoire (soit 32 728 ha), et représente 23% de la forêt départementale, soit la deuxième plus grande forêt des Pyrénées-Orientales après celle du Conflent qui représente 36 500 ha (source IFN, 1990). Elle résulte avant tout de l'action humaine avec de nombreuses plantations de châtaigniers et de résineux réalisées dans le cadre de la restauration des terrains de montagne (RTM). Aujourd'hui, la part des boisements progresse de manière naturelle, notamment par la colonisation des terres agricoles abandonnées par le robinier.
D'une manière générale, dans le Conflent et le Vallespir, la progression forestière est importante avec une majorité de reboisement naturel (environ 90%) :
- entre 1980 et 1990, la surface boisée du Vallespir a augmenté de près de 4500 ha, soit 15,8% de la surface boisée (données IFN, 1990) ;
- entre 1980 et 1990, la surface boisée du Conflent s'est accrue de 7160 ha, soit 27,8% de la surface boisée (données IFN, 1990).
Les principaux enjeux en matière de paysage sont :
- le maintien d’espaces ouverts dans les secteurs les plus sensibles (abords des villages et des éléments de patrimoine, abords des chemins de randonnées, points de vue majeurs depuis les routes, fonds de vallons, …) : par l’élevage, les cultures, le fauchage, … ;
- la diversification des milieux naturels et des paysages : landes, pelouses, boisements, valorisation écologique ou agricoles des friches ;
- la gestion des boisements par leur valorisation économique, notamment les taillis de robiniers et châtaigniers dans le Vallespir, les chênes-lièges dans les Aspres et les Albères : développement de la filière bois-énergie, encouragement aux reboisements mixtes plutôt que monospécifiques résineux, développement de la futaie jardinée, requalification écologique et paysagère des lisières, … ;
- la reconnaissance et la préservation des sites bâtis remarquables des villages (Rabouillet, Saint-Laurent-de-Cerdans, Serralongue, ...) et des mas ou fermes ;
- l'identification, la création et la gestion de points de vue, d'ouvertures visuelles ;
- l'identification, la préservation et la gestion du patrimoine de pays : murets, terrasses, ouvrages hydrauliques (canaux, aqueduc d'Ansignan), ponts.
Les milieux naturels et paysages d'altitude
Les espaces montagnards d'altitude (au-dessus de 2000 mètres environ) sont le domaine des estives qui représentent 70 000 ha environ (principalement sur le territoire du PNR des Pyrénées-Catalanes) et sont à 50% couvertes de forêts. Elles permettent le pâturage de plus de 7000 bovins, d'environ 7600 ovins et de 1100 équins : des troupeaux soit locaux soit venant des régions limitrophes (Aude, Ariège, Tarn, Aveyron, Espagne). La gestion des estives est assurée par les associations foncières pastorales et les groupements pastoraux. Les cheptels ont globalement diminué depuis les années 1990, au point qu’aujourd'hui les troupeaux s’avèrent insuffisants pour entretenir l'ensemble des espaces ouverts. En Haut-Conflent, la pratique du ranching se multiplie : élevage très extensif qui consomme de vastes surfaces sans assurer une gestion satisfaisante de l'espace ouvert.
Aujourd'hui, les mesures de gestion mise en place sont déjà nombreuses :
- les opérations locales agri-environnementales "estives" qui sont menées sur le territoire du PNR visent à maintenir la qualité paysagère et d'accueil des zones d'estives (elles concernent 47 500 ha). Elles répondent aux enjeux liés au territoire d'altitude : enjeux environnementaux (intérêt écologique faunistique et floristique, présence de nombreuses réserves naturelles, gestion des risques naturels) et enjeux pastoraux (abandon des estives, diminution de la pression animale, déficit de fourrage de qualité) ;
- les opérations locales agri-environnementales "défense des forêts contre l'incendie" visent à créer des coupures pâturées et entretenues par les troupeaux afin de stopper les incendies sur les massifs de montagne ;
- les contrats territoriaux d'exploitation permettent un soutien à la filière agricole en respectant les objectifs socio-économiques, territoriaux et environnementaux spécifiques à la Cerdagne, au Capcir et au Conflent. Les derniers CTE, signés en 2002, sont remplacés par les contrats d'agriculture durable (CAD).
Les enjeux majeurs en termes de paysage sont :
- La gestion des espaces naturels ouverts (landes, pelouses alpines, maquis) et des espaces boisés (sous-bois) par le pastoralisme :
-
préservation des prairies de fauche qui assure la production de fourrage pour nourrir les troupeaux en hiver (voir enjeu majeur n°7) ;
-
mise en place de pratique de gardiennage des troupeaux en estives qui a sensiblement diminué ces dernières années. Les "mesures agri-environnementales estives" et le retour des grands prédateurs sur le territoire ont amorcés une nouvelle dynamique avec l'embauche de quinze vachers ;
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réhabilitation des structures d'accueil des gardiens de troupeaux en altitude (cabanes de bergers) et l'entretien des sentiers ;
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gestion des zones intermédiaires de bas de pente qui représentent 12000ha et servent de pâturage de demi-saison. Ces espaces sont aujourd'hui partiellement colonisés par la forêt et doivent faire l'objet d'une gestion particulière de réouverture : débroussaillage mécanique, brûlage dirigé (ouverture de 600 ha durant 1997/1998), sylvopastoralisme (nécessite la pose de clôtures).
- La gestion de l’accueil du public :
- requalification d'espaces d'accueil dans les sites touristiques (grands massifs montagneux du Canigou, du Carlit, du Madres, ..., gorges, lacs)
- protection d’espaces naturels par restriction des accès (pistes traversant les massifs du Canigou et du Carlit en particulier, lac des Bouillouses).
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