> Les fondements
des paysages de l'Hérault
- 1. Les paysages et les
reliefs
- 2. Les paysages et la géologie
- 3. Les paysages et l’eau
- 4. Les paysages et la couverture
boisée
- 5. Les paysages et les
espaces agricoles
- 6. Les paysages, l’urbanisation
et les infrastructures
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> Les fondements des paysages
de l'Hérault
5. Les paysages et les espaces
agricoles
Deux grands secteurs agricoles à l’est et à l’ouest
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Les vastes étendues de vigne près de Béziers vers Puisserguier |
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La vigne et les fruitiers à l’horizon, dans la plaine de Lunel |
Dans le département de l’Hérault, l’agriculture occupe massivement deux grands secteurs :
- les vallées de l’Hérault et de l’Aude et l’ensemble des collines et plaines du Biterrois et du Piscénois d’une part (unités de paysages n° 7 à 13) : c’est le royaume de la vigne;
- la plaine de Lunel Mauguio et l’ensemble des collines liées au Vidourle d’autre part (unités de paysages n° 5 et 14) : la vigne domine, mais partage l’espace avec d’autres cultures : céréales, mais aussi fruitiers grâce à l’irrigation d’une partie des terres par les aménagements de la CNABRL.
Entre les deux, la plaine de Fabrègues (unité n° 6) dessine une large tache, isolée par les masses boisées de la Gardiole, de la Moure et du plateau d’Aumelas, et par l’urbanisation de Montpellier à l’est.
Ailleurs les terres cultivées apparaissent davantage fractionnées et imbriquées, moins massives : elles suivent les petites plaines autour de Saint-Mathieu-de-Tréviers (unité n° 16), autour de Saint-Martin-de-Londres (unité n° 19), autour de Ganges (unité n° 21), autour de Minerve et de Saint-Chinian (unité n° 28) ; elles accompagnent les vallées de l’Orb, du Jaur, de l’Agout.
Au total, l’espace agricole couvre le tiers du département : 206 300 ha sur les 622 000 que compte l’Hérault. L’élevage occupe et gère 63 000 ha, les céréales et oléagineux 18 000 ha, les productions légumières 3 500 ha, les productions fruitières 2 500 ha.
La domination de la vigne
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Les vastes étendues de vigne dans la plaine de l’Hérault, vers Montblanc |
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Oliveraie vers Loupian |
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Fruitiers dans la vallée du Jaur |
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Troupeau de moutons sur les pentes de l’Agout non loin de Fraïsse |
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Moutons sur le causse du Larzac |
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Elevage sur le plateau de l’Escandorgue |
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Mûrier rescapé de l’époque séricicole, non loin de Brissac |
Malgré des tentatives opiniâtres pour diversifier les productions, c’est bien la vigne qui domine encore largement le paysage agricole, occupant encore près de la moitié des surfaces avec 106 200 ha. Elle contribue pour 70% à l’économie agricole héraultaise, avec une production de plus de 7 millions d’hectolitres par an. L’Hérault représente ainsi 38 % de la production viticole régionale du Languedoc-Roussillon, le plus grand vignoble du monde. Cette culture -voire civilisation- du vin est le fruit d’une longue histoire qui s’est singulièrement accélérée à partir du XIXe siècle et le passage à la viticulture « industrielle ».
Introduite au Ve siècle avant JC par les Phocéens depuis le port d’Agde, la vigne s’est développée, bénéficiant de terroirs diversifiés dans le département, issus de la variété des sols et des reliefs. Jusqu’au XVIIIe siècle toutefois, faute de moyens de transports efficaces et par nécessité, elle partage l’espace cultivé avec les céréales et l’olivier, dans une trilogie méditerranéenne ancestrale. L’économie repose par ailleurs sur d’autres productions, dont la laine dans la montagne, la draperie à Lodève, la sériciculture autour de Ganges, ... A cette époque néanmoins, la création du canal du Midi et du port de Sète offre de nouvelles opportunités de débouchés pour la production viticole, qui commercialise principalement de l’eau-de-vie, et accessoirement du vin.
Mais c’est le chemin de fer qui va être à l’origine du développement massif de la production viticole au XIXe siècle. En créant un marché national, il contribue à la désagrégation rapide du délicat équilibre antérieur : les vins trouvent un écoulement facile, tandis qu’inversement les productions inaptes à la concurrence large s’effondrent : les surfaces en blé passent de près de 60 000 ha en 1852 à moins de 20 000 en 1889 ; même baisse pour la garance (autour de Mauguio) ; pour le mûrier, qui ne résistera pas à la pébrine (1853) puis surtout à la concurrence des soies d’Extrême-Orient arrivées par le tout nouveau canal de Suez (1869) ; pour l’olivier, avec une baisse de moitié entre 1820 et 1860 ; pour l’élevage ovin malgré la constitution dès 1850 de la Société des Caves de Roquefort.
La diversité des productions, qui se traduisait jusqu’alors par des paysages vraisemblablement jardinés, avec des parcelles petites, où se côtoyaient voire se mêlaient les emblavures, les pieds de vigne et les arbres d’oliviers, disparaît ainsi au XIXe siècle au profit de la vigne toute puissante.
En l’espace de 10 ans le vignoble passe de 106 000 à 162 000 hectares (1852-1862). Il descend dans les plaines, et atteint même les sables. La production culmine en 1869 avec 15.2 millions d’hectolitres. Le gros de la demande passant désormais en vins de table des classes populaires des grandes villes, on plante le cépage aramon, à fort rendement et convenant à peu près partout. Les exportations sur l’Algérie connaissent un vif succès. La crise de l’oïdium dans les années 1850 frappe moins l’Hérault qui bénéficie par contrecoup de la flambée des cours. Béziers devient la capitale du vin et sa fortune se lit encore aujourd’hui à l’élégance de ses quartiers et monuments du XIXe siècle. Avec la crise du phylloxera, les premières années difficiles surviennent entre 1883 et 1885. Mais le vin se vendra bien encore jusqu’en 1930, malgré des crises de surproductions chroniques.
Depuis les années 1960, le vignoble poursuit sa reconversion progressive en vins de meilleure qualité, arrachant des cépages pour en replanter de nouveaux : 87 000 ha arrachés entre 1984 et 2000 pour 46 000 plantés ou replantés. Aujourd’hui se distinguent cinq AOC (Saint Chinian, Faugères, Minervois, Coteaux du Languedoc, Clairette du Languedoc) et quatre Muscats (Frontignan, Lunel, Mireval, Saint-Jean-de-Minervois). Mais la concurrence des vins issus des climats méditerranéens lointains se fait sentir : Chili, Australie, Afrique du Sud, Californie, … L’arrachage de la vigne, bien que primé à 6 000 euros/ha, reste pour autant un phénomène limité qui semble peu affecter le paysage ; d’après la Chambre d’agriculture, il concerne essentiellement les vignerons qui partent à la retraite, et il s’opère principalement sur les terres dont la vocation viticole n’est pas forcément première : dans la plaine de Mauguio plutôt que dans le Saint-Chiniannais, le Faugérois ou le Picpoul-Pinet…
Le paysage viticole et ses enjeux
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Paysage agricole remarquable mêlant vigne, oliviers et bois de chênes, vers Saint-Jean-de-Buèges |
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Le vignoble, sur les pentes sud-est des avants-monts : paysage agricole remarquable |
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Lisière bâtie dégradée au contact de l’espace agricole, à Lunel-Viel |
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Consommation des terres agricoles par l’urbanisation, à Montady |
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Différents problèmes de bâti agricole |
Dans le paysage, la vigne apparaît encore aujourd’hui omniprésente, notamment dans les grandes plaines. Son image de qualité, patiemment retravaillée par l’amélioration du vin, doit désormais aussi porter sur l’espace même de production, en identifiant et protégeant certains paysages viticoles remarquables, et en maîtrisant mieux une évolution problématique du paysage contemporain : simplification excessive par disparition des structures paysagères (arbres isolés, bosquets, murets, mazets, …) ; passage des grandes infrastructures et de leur cortège d’urbanisation commerciale médiocre ; grignotage intensif par l’urbanisation ; grossissement des villages vignerons en bourgs voire en banlieues, sans espaces de transitions ménagés avec la vigne ; constructions agricoles et viticoles isolées sans qualité architecturale, …
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