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> Les fondements des paysages de l'Hérault

  1. 1. Les paysages et les reliefs
  2. 2. Les paysages et la géologie
  3. 3. Les paysages et l’eau
  4. 4. Les paysages et la couverture boisée
  5. 5. Les paysages et les espaces agricoles
  6. 6. Les paysages, l’urbanisation et les infrastructures
> Les fondements des paysages de l'Hérault

2. Les paysages et la géologie

Quatre ères, quatre secteurs : la richesse géologique de l’Hérault

La géologie joue un grand rôle dans la diversité et même les contrastes des paysages de l’Hérault. Le département a la chance en effet d’être un territoire de contact entre des formations très différentes, qui racontent 500 à 600 millions d’années d’histoire de la terre. Grossièrement, l’histoire géologique a laissé son empreinte de façon différenciée dans l’espace selon quatre secteurs correspondants aux quatre ères : ère primaire au nord-ouest avec les montagnes, ère secondaire au nord-est avec les garrigues et les causses, ère tertiaire sur la moitié sud avec les plaines, ère quaternaire pour le littoral et le creusement de l’ensemble des vallées.


L’héritage de l’ère primaire

Chaos schisteux dans les avants-monts
Gneiss sur les flancs du mont Caroux
Granites sur le sommet du mont Caroux
Ruffes rouges du Salagou, « taguées » de petits cailloux blancs par les promeneurs


Au nord-ouest du département, les montagnes héraultaises sont constituées des roches les plus anciennes : gneiss, schistes, micaschistes ; elles apparaissent en vert kaki sur la carte. Il s’agit de dépôts des mers de l’ère primaire, accumulés durant 250 millions d’années, puis métamorphisés, c’est-à-dire transformés en profondeur, par suite de la surrection de la montagne hercynienne. Les montagnes héraultaises forment ainsi l’extrémité sud du Massif Central, lui aussi issu du plissement hercynien, comme les Ardennes, la Bretagne, les Vosges, les massifs des Maures et de l’Esterel. C’est ce métamorphisme qui transforme les argiles en schistes et les calcaires en marbres :

  • les schistes s’observent dans les avants-monts, les monts d’Orb, les monts Caroux, de l’Espinouse et du Somail, les vallées de l’Orb, du Jaur et de la Salesse ; ils sont visibles dans les ressauts rocheux qui trouent la toison végétale, ou dans les murs et murets ; leur originalité est notable dans les avants-monts, où la vigueur des plissements a été jusqu’à inverser les couches géologiques !  Ces mouvements ont intensément fractionné les schistes, les rendant à peu près inaptes à la construction ; en revanche les sols ainsi formés sont favorables à la vigne, qui forme dans les avants-monts de bons terroirs réputés ;

  • les marbres sont présents dans la région de Saint-Pons-de-Thomières, exploités en carrières et donc visibles sur les bâtiments et espaces publics des villes et villages des environs.
Aux schistes et aux marbres s’ajoutent les gneiss et les granites :
  • les gneiss sont bien visibles dans les gorges d’Héric qui scient les flancs du Caroux, aisément reconnaissables à leurs « œillets » blancs constitués de feldspath. Ils seraient issus d’un métamorphisme plus important que celui des schistes ;

  • les granites (en rouge sur la carte) s’observent en particulier sur les hauteurs aplanies du massif du Caroux, érodés en dos ronds, dégageant des sables ou arènes qui tapissent les fonds et forment des tourbières d’altitude. Ils sont issus des profondeurs de la terre, recristallisés à haute température et datent d’environ 330 millions d’années.
    L’ensemble de ces formations anciennes génère des sols acides en surface. Si le chêne vert ne révèle rien de particulier, poussant indifféremment sur sols calcaires et sur sols acides, d’autres essences en revanche témoignent de ces formations pédologiques acides, tel le châtaignier, que l’on trouvera essentiellement là dans le département. Il est relayé plus en altitude par le hêtre, par des plantations de résineux, et par des landes à callunes et myrtilles.

A la fin de l’ère primaire, l’érosion de la montagne hercynienne a généré deux dépôts bien particuliers observables dans l’Hérault :

  • le bassin charbonnier de Graissessac (filon gris au nord de Saint-Gervais-sur-Mare, sur la carte) : autrefois exploité à ciel ouvert, il est issu des débris de la forêt tropicale dense accumulés dans les bas-fonds marécageux, vers la fin du Carbonifère, soit 300 millions d’années ;

  • les ruffes du Salagou (en rose dense sur la carte, au sud de Lodève) : un peu moins anciens que les charbons de Graissessac, il s’agit également de dépôts dans une ancienne zone marécageuse, mais cette fois de grès riches en sels de fer oxydés : de là la teinte rouge lie de vin étonnante qui marque le pays du Salagou, ravivée en permanence par l’érosion toujours active, formant l’un des paysages géologiques les plus original et spectaculaire du département.

L’héritage de l’ère secondaire

Falaise calcaire du causse d’Hortus
Marnes noires dans la bordure orientale du causse du Larzac vers les Rives
Rochers dolomitiques du cirque de Mourèze
Bauxites, carrière de Carlencas vers Bédarieux


Au nord-est du département, le paysage est constitué de calcaires hérités de l’ère secondaire : une longue période calme de près de 200 millions d’années (de -250 à – 65 millions d’années), sans surrection de montagnes, au cours de laquelle s’accumulent au fond des mers chaudes et peu profondes d’énormes épaisseurs de calcaires issus des animaux marins :

  • calcaires jurassiques durs (en bleu sur la carte) du causse du Larzac, du massif de la Séranne, des gorges de l’Hérault, du causse de la Selle, du causse de Viols-le-Fort et du Pic Saint-Loup, des garrigues d’Aumelas et de la Moure, de la montagne de la Gardiole, du Mont Saint-Clair, des environs de Bédarieux ;

  • calcaires crétacés (en vert clair sur la carte) des environs de Ganges, de Saint-Chinian, du Causse d’Hortus, des garrigues de Saint-Mathieu-de-Tréviers et de Villeveyrac.

L’épaisseur des accumulations est particulièrement évidente sur le rebord du causse du Larzac ou sur les flancs spectaculaires des gorges de la Vis, creusées au cours des ères tertiaire et quaternaire, sur une période de plus de 10 millions d’années.

La roche-mère calcaire favorise la création de paysages karstiques bien particuliers :

  • poreuse, elle s’avère incapable de retenir l’eau ; de là les paysages secs qui font une bonne part du département ;
  • par ailleurs, le calcaire étant soluble, il génère de petites dépressions fermées où s’accumule le peu de terre par ruissellement : ce sont les dolines, ou sotchs ou encore cros sur les causses ; elles deviennent « poljés » en atteignant la taille d’une plaine ;
  • sous la surface, la dissolution du calcaire crée des avens ou des grottes pouvant atteindre des dimensions impressionnantes. On en dénombre plus de 7 000 en Hérault, qui font du département un haut-lieu de la spéléologie. Ce sont les Grottes des Demoiselles, de la Clamouse et de la Devèze qui sont les plus célèbres ;
  • sous climat méditerranéen, les sols issus de la roche-mère calcaire portent une formation végétale spécifique : la garrigue, bien différente de celle des sols acides (le maquis), même si le chêne vert atténue les contrastes en couvrant sans état d’âme les deux types de sols (voir le chapitre « Les paysages et la végétation »).

Comme l’ère primaire, l’ère secondaire livre son lot de dépôts particuliers qui font la singularité de quelques sites de l’Hérault :

  • les marnes noires : elles suivent le rebord du causse du Larzac sur son versant ouest et sud ; elles marquent notamment le paysage des environs des Rives, formant des bancs épais qui, creusés par l’eau, accélèrent l’érosion en déchaussant les bancs calcaires qui peuvent les coiffer. Elles affleurent également au sud du Pic Saint-Loup, vers la Combe-de-Mortiès. Elles sont issues de dépôts de vases au Lias ;

  • les dolomies : elles forment des sites spectaculaires dans le département : le cirque de Mourèze, les environs du Caylar, appuyé sur le Roc Castel. Il s’agit de roches formées au voisinage des récifs coralliens : là, les conditions étaient favorables pour que des échanges d’ions s’opèrent : dans les calcaires, le calcium dissous a été remplacé par du magnésium issu de l’eau de mer ; cette combinaison chimique s’est opérée à échelle fine, ce qui explique l’imbrication étroite des roches calcaires et dolomitiques que l’érosion met aujourd’hui en valeur : les dolomies se fractionnent en rochers gris, qui s’isolent les uns des autres et forment des champs chaotiques et pittoresques de cheminées et de colonnes. Le grésou, sable issu de cette érosion, s’accumule au pied des rochers ;

  • les bauxites : elles ont été exploitées à Villeveyrac et à Bédarieux pour en extraire l’aluminium. Souvent rouges, elles marquent ponctuellement de façon inattendue le paysage plutôt blanc des secteurs calcaires. Anciennes latérites, elles sont issues de dépôts et d’altération sur place de sols formés sous climat tropical humide ou chaud et sec, durant 30 millions d’années, à la fin de l’ère secondaire.

L’héritage de l’ère tertiaire

Bancs calcaires du pic Saint-Loup, redressés à la verticale par la surrection de la chaîne pyrénéo-provençale au cours de l’ère tertiaire.
Le château de Castries. La pierre de taille utilisée pour la construction des villages et des monuments dans le département est souvent un calcaire hérité des mers de l’ère tertiaire.


La moitié sud du département est plus particulièrement marquée par l’ère tertiaire. Entre - 65 et - 1, 8 millions d’années, c’est une période riche en événements tectoniques. Des Pyrénées à la Provence, une nouvelle chaîne de montagne se forme : la chaîne pyrénéo-provençale. Elle provoque par contrecoup la déformation des dépôts calcaires issus de l’ère secondaire : de là la surrection spectaculaire du Pic Saint-Loup, dont on peut facilement observer le redressement à la verticale des bancs calcaires qui le constituent. Mêmes déformations pour le causse de Viols-le-Fort ou celui d’Aumelas, même si l’érosion les a par la suite rabotés, masquant les plissements. Le chaînon de Saint-Chinian, la montagne de la Gardiole, sont aussi issus des poussées liées au plissement pyrénéen. Mais vers -30 millions d’années, la mer Méditerranée commence à se former, et ce creusement, ces effondrements même, provoquent l’érosion intense de la chaîne pyrénéo-provençale, jusqu’à sa disparition complète. La mer envahit au Miocène la plaine littorale jusqu’aux premiers contreforts des garrigues. De Castries à Béziers, les calcaires coquilliers qui en sont issus sont largement exploités en pierre de taille, aux tonalités chaleureuses, qui font la personnalité des villages. Nouvel événement spectaculaire avec le retrait de la mer, jusqu’à – 2000 m de profondeur il y a 5.3 millions d’années. Il est lié à la fermeture du détroit de Gibraltar, qui coupe la Méditerranée de son alimentation atlantique. La réouverture du détroit fait revenir la mer, qui dépose en particulier des sables au Pliocène.

L’héritage de l’ère quaternaire

Le lido à Palavas-les-Flots : fragile et instable formation sableuse héritée de l’ère quaternaire
Rencontre du calcaire et du basalte sur les hauteurs de l’Escandorgue. La présence du basalte est trahie par les taches rousses de la fougère aigle
Bâti sombre basaltique vers Lézignan-la-Cèbe
L’étang de Montady, à l’origine une dépression naturelle creusée par l’érosion éolienne lors des périodes froides du quaternaire

Le littoral et les vallées sont héritées de l’ère quaternaire : il s’agit d’une période courte, de -1, 8 millions d’années à nos jours, mais néanmoins importante pour comprendre l’aspect des paysages actuels du département, largement sculptés par l’érosion récente.
Au cours de cette ère, l’alternance de climats froids et de climats proches de la période actuelle provoque l’érosion par le gel et la variation du niveau marin. En période froide, le niveau marin plus bas favorise le creusement des vallées et le déblaiement d’épaisses couches de cailloutis issus du fractionnement par le gel. En période chaude, la mer remonte et épand les dépôts sableux et caillouteux. C’est ainsi que s’est formé le fragile et instable littoral actuel : entre 15 000 et 6 000 ans, le réchauffement du climat a provoqué la fonte des glaciers wurmiens et la remontée d’une centaine de mètres d’altitude de la mer. Celle-ci a poussé devant elle les matériaux issus des froids quaternaires, et a formé le lido actuel, un mince ruban rectiligne qui ralentit l’écoulement des eaux douces : les étangs se sont formés ainsi en deçà du lido par accumulation des eaux douces terrestres, et ne trouvent d’exutoires vers la mer que par de minces pertuis appelés graus.

Tout comme les ères précédentes, l’ère quaternaire livre son lot de particularités géologiques qui contribuent à enrichir les sites héraultais de curiosités :

  • les basaltes noirs :
    Surgis à la fin du Tertiaire et éteints depuis 700 000 ans, des volcans se sont épanchés en coulées basaltiques autour d’une faille nord-sud passant au centre du département (en noir sur la carte). On les perçoit aujourd’hui particulièrement au bord de la mer vers Agde (Cap d’Agde, mont Saint-Loup), et de façon plus discrète vers Saint-Thibéry (monts Ramus), vers Pézenas (plateau de l’Arnet), autour du lac du Salagou (plateaux de Lacoste, de Germane, de l’Auverne). Surtout, les basaltes coiffent les calcaires au nord du département, et font la singularité des crêtes étroites de l’Escandorgue : là s’imbriquent de façon étonnante une végétation classique de causse (buis, genévriers) et de landes acides (fougère aigle) selon l’affleurement du calcaire ou du basalte.
    Exploité en pierre de taille, le basalte habille de sombre des habitations et édifices dans les villes et villages proches des filons, qui tranchent avec les tonalités claires du calcaire dominant presque partout ailleurs : cathédrale d’Agde, halle de Marseillan, … Enfin on le retrouve dans les murets des champs et des restanques, souvent mêlé aux autres matériaux.

  • le site de l’ancien étang de Montady est un héritage naturel du quaternaire avant d’être un héritage culturel du Moyen-Age. La dépression est issue en effet d’une érosion éolienne survenue pendant les dernières périodes froides du quaternaire. Cette érosion a été intense au point d’inverser les reliefs de tout le secteur : le vent a déblayé les molasses tendres récentes, et a laissé les matériaux plus anciens, plus grossiers et plus résistants hérités du Pliocène, qui font aujourd’hui les puechs et collines du biterrois, appelés « soubergues ». L’eau accumulée dans cette dépression a été drainée au XIIIe siècle sous la forme d’un parcellaire régulier remarquable convergeant vers un puisard central, dessinant un étonnant paysage géométrique.

Le creuset géologique du Salagou

Le Salagou, fait d’une rencontre de roches de tous âges : ici les ruffes rouges primaires au creux desquelles s’étend le lac, bordées par les tables basaltiques quaternaires (plateau de l’Auverne à l’horizon)


Au final, on ne peut manquer de souligner dans l’Hérault le cas particulier de la région du Salagou, au centre du département, au carrefour des grandes formations géologiques (unité de paysage n° 26) : c’est là que se rencontrent, sur une surface réduite, presque toutes les roches, dans une confrontation parfois spectaculaire : les ruffes rouges héritées de l’ère primaire cohabitent avec les basaltes sombres issus des coulées volcaniques quaternaires : 243 millions d’années séparent ces formations superposées les unes aux autres ; juste à côté, le cirque de Mourèze et son magnifique dédale de rochers dolomitiques est hérité des mers chaudes du secondaire ; juste à l’est, ce sont les dépôts alluvionnaires du quaternaire qui portent les vignes de la vallée de l’Hérault ; et juste au sud débutent les avants-monts schisteux de l’ère primaire. Le pays du Salagou est bien un creuset géologique, témoin bigarré de la richesse des roches de l’Hérault et de sa longue histoire naturelle.


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