> Les
fondements des paysages de l'Aude
- 1. Les paysages et les
reliefs
- 2. Les paysages et la géologie
- 3. Les paysages et l’eau
- 4. Les paysages et la couverture
boisée
- 5. Les paysages et les
espaces agricoles
- 6. Les paysages, l’urbanisation
et les infrastructures
|
> Les fondements des paysages
de l'Aude
6. Les paysages, l'urbanisation
et les infrastructures
Un développement très inégal entre des plaines urbanisées et des montagnes
désertées
|
Carcassonne ne se limite pas à sa Cité médiévale
: avec ses 46000 habitants, la préfecture de l'Aude s'étend
dans la plaine autour de la Bastide Saint-Louis, au centre du sillon
audois. |
|
Narbonne, dans la basse plaine de l'Aude au pied des Corbières. |
|
Castelnaudary, capitale du Lauragais et ville-relais à
l'ouest de Carcassonne, constitue un site bâti dominant la
plaine agricole céréalière. |
|
Quillan, ancienne ville industrielle de la Haute vallée de
l'Aude : les friches autour de la gare coupent la ville en deux. |
Le département de l'Aude apparaît relativement peu peuplé
: avec 310 000 habitants, il se place derrière l'Hérault,
le Gard et les Pyrénées-Orientales.
La géographie de l'Aude joue un rôle prépondérant
dans la répartition de l'urbanisation et des infrastructures :
c'est sans surprise que la carte fait apparaître un développement
nettement plus marqué du sillon audois et du littoral, où
se concentre la majorité de la population, tandis que les reliefs,
représentant une large partie du territoire, accueillent aujourd'hui
une faible part de la population :
- le sillon audois, large et confortable, est particulièrement
développé et accueille les principales infrastructures
de communication reliant le Languedoc-Roussillon à Toulouse et
aux pays atlantiques, avec la préfecture de Carcassonne (46 000
habitants) et Narbonne (46 500 habitants), les deux principales villes
rassemblant 30% de la population du département, ainsi que les
villes-relais de Castelnaudary, Lézignan-Corbières et
Trèbes ;
- dans la moyenne vallée de l'Aude, les anciennes villes industrielles
de Quillan, Espéraza et Limoux (troisième ville du département),
font figurent d'exception et forment un bassin de développement
qui se maintient, non sans difficultés, témoignant du
passé industriel prospère de la vallée ;
- le littoral est un axe de circulation majeur de circulation vers l'Espagne
; la côte n'est aménagée que depuis les années
1960 et ses stations balnéaires récentes accueillent une
forte population en été, tandis que toute la frange littorale
s'urbanise rapidement ;
- les reliefs du Pays de Sault, des Corbières, de la Montagne
Noire, du Quercorb et des collines de la Piège, se sont globalement
dépeuplés suite à l'exode rural, mais aussi au
déclin des petites activités industrielles telles que
la draperie, l'exploitation minière ou les forges.
L'Aude, un territoire carrefour
|
La RN9, doublée par l'autoroute A9, longe la plaine languedocienne
entre la vallée du Rhône et l'Espagne, comme le faisait
la via Domitia à l'époque romaine. |
|
L'autoroute des Deux Mers A61 connecte Narbonne à Toulouse
en passant par Carcassonne. Son parcours offre un panorama intéressant
d'une partie du département en traversant les confins Nord
des Corbières, la plaine viticole de l'Aude, dont une partie
longée au pied des reliefs imposants de la montagne d'Alaric,
puis le Lauragais. |
|
La route des gorges désenclave le Pays de Sault depuis
le début du XIXe siècle : ici les falaises verticales
du défilé de Pierre-Lys. |
Deux grandes routes traversaient les pays de l'Aude dès l'époque
romaine et se croisaient à Narbonne :
- la voie Domitienne qui venait de Béziers et descendait vers
l'Espagne,
- la voie d'Aquitaine qui partait de Narbonne en direction de Toulouse
via Carcassonne.
Les deux axes jouent encore leur rôle aujourd'hui, faisant de l'Aude
un territoire carrefour, et composent une belle vitrine en traversant
certains des plus beaux paysages du département :
- l'autoroute A61 avec les confins Nord des Corbières, la plaine
viticole de l'Aude, les puissants contreforts de la montagne d'Alaric,
la Cité de Carcassonne et la plaine du Carcassès, les
coteaux viticoles et boisées de la Malepère, la plaine
céréalière du Lauragais ;
- l'A9 avec la basse plaine viticole de l'Aude, les pentes boisées
et rocailleuses du massif de la Clape, les étangs et les piémonts
viticoles des Corbières maritimes.
Seul le Pays de Sault restera longtemps isolé. Le franchissement
des Pyrénées s'effectuant par le col de Puymorens (RN20),
Andorre (RN22), la Cerdagne (RN116) ou le col du Perthus (RN11 et A9),
les routes principales évitent le Pays de Sault qui constitue un
confins du territoire Audois. Il faudra attendre la construction de la
route qui longe l'Aude de 1774 à 1823 avec le creusement du ''Trou
du Curé'' à l'entrée du Défilé de Pierre-Lys
pour désenclaver les villages jusqu'alors inaccessibles en hiver
car la neige rendait impraticable les chemins des plateaux. Cette route
de la vallée propose un parcours pittoresque au travers du Défilé
de Pierre-Lys ou des Gorges de Saint-Georges : d'impressionnantes
parois rocheuses verticales, mais aussi des pentes boisées qui
se transforment à l'automne en une véritable mosaïque
de couleurs, variant du rouge vif au vert en passant par toutes les teintes
d'oranges et de jaunes.
Les grandes infrastructures modernes renforcent le rôle de carrefour
de l'Aude, les autoroutes A61 et A9 comme les voies ferrées, qui
empruntent les mêmes directions que les voies romaines : nord-sud
de Montpellier vers l'Espagne, est-ouest de Narbonne à Toulouse.
Mais les routes de montagnes sont restées secondaires avec la baisse
de la population et sa concentration dans les plaines.
Pourtant la desserte des montagnes est ancienne et tout un réseau
de routes secondaires parcourait les Corbières et la Montagne Noire
:
- le chemin de l'Estrade et le chemin Romieu traversaient le Minervois
et passaient au pied de la Montagne Noire joignant Béziers à
Toulouse par Castelnaudary,
- la voie des Corbières connectait les différents lieux
habités en passant par Lagrasse, Lairière puis Ladern
et Saint-Hilaire, et continuait vers Toulouse via Fanjeaux en suivant
la ligne de crête des collines de la Piège.
Le développement marqué du sillon audois et du littoral
|
La pression périurbaine se fait sentir autour des villes
: Cazilhac au sud de Carcassonne, la Cité à gauche
et la Montagne Noire à l'horizon. |
|
La ville de Narbonne s'étire dans la plaine, notamment
le long de la RN9 au sud et sur le coteau du Massif de Fontfroide
(à gauche sur la photo). La cathédrale Saint-Just
signale la vieille ville sur la droite, la Montagne Noire se détache
à l'horizon. |
|
La pression urbaine sur le littoral : le vieux village de Fitou
dans son vallon et l'urbanisation récente sur la crête. |
Le rôle de la plaine languedocienne, couloir de communication d'importance
régionale, se trouve ici contrebalancé par le sillon audois.
Le département s'organise autour de deux pôles de développement
avec Narbonne sur le littoral et Carcassonne dans les terres : l'ouverture
vers l'ouest contribue ainsi à développer une partie de
" l'arrière-pays '', un territoire qui reste souvent
en marge dans les autres départements littoraux de la région.
Narbonne : de la cité maritime à la conquête
de la plaine
À Narbonne, les vestiges de la via Domitia devant l'Hôtel
de ville témoignent de l'importance de cette cité au carrefour
de grandes voies romaines : la via Domitia entre l'Italie et l'Espagne,
et la via Aquitania en direction de l'Atlantique en passant par Toulouse
et Bordeaux. Fondée en 118 avant J.C., la colonie romaine de Narbo
Martius occupe une situation stratégique à l'embouchure
de l'Atax (Aude) qui dessine un grand golfe en se jetant dans la mer (étang
de Bages), et au carrefour des voies commerciales. Elle est alors la capitale
de la Narbonnaise, avec son port en liaison directe avec la mer et le
commerce méditerranéen. Mais au XIVe siècle, une
crue exceptionnelle balaye la digue de Sallèles (1316). Le cours
de l'Aude reprend alors son cours primitif au nord de la Clape (voir ''les
paysages et l'eau''). La navigation est rendue difficile et le port décline,
malgré la construction du canal de la Robine dans l'ancien cours
méridional du fleuve. C'est au lendemain de la crise du phylloxéra
que le paysage du Narbonnais sera bouleversé : les avantages de
la submersion hivernale des vignes entraînent une conquête
massive des terres marécageuses et insalubres, les ''paluds'' des
basses terres du littoral. Le parcellaire drainé et irrigué
de fossés plantés est encore bien visible. De nombreux petits
bourgs avoisinant aujourd'hui les 2000 habitants quadrillent la plaine
: Coursan, Ouveillan, Sallèles-d'Aude, Cuxac-d'Aude...
Sur le littoral, c'est l'urbanisation des stations balnéaires au
cours du XXe siècle qui a profondément modifié le
paysage de la côte, avec Saint-Pierre-sur-Mer, Narbonne-plage, Gruissan,
Port-la-Nouvelle et Leucate. Sur la plaine littorale, le long de la RN
9, Sigean et Lapalme se sont largement étalées, de même
que Fitou qui se disperse sur les pentes des Corbières.
Carcassonne : de la Cité à la préfecture de
l'Aude au centre du sillon audois
Dans les terres, Carcassonne devient un site défensif important
dès le IIIe siècle pour lutter contre les invasions barbares.
La Cité fortifiée, juchée sur son petit plateau au-dessus
du coude de l'Aude, ne résiste pas à l'attaque de Simon
de Montfort en 1209 dans sa croisade contre les Cathares. Il faudra alors
attendre quarante ans pour que les habitants bâtissent la Bastide
Saint-Louis sur l'autre rive, suivant un plan en échiquier. La
ville basse s'épanouit, abandonnant la Cité qui tombe en
ruine : avec le traité des Pyrénées (1659),
qui recule la frontière entre l'Espagne et la France par annexion
du Roussillon, les places fortes audoises perdent leur intérêt
militaire, notamment Carcassonne. La Cité sera sauvée par
Mérimée et Viollet-le-Duc au XIXe siècle, avec d'importantes
restaurations des remparts et des tours. Carcassonne devient une ville
double, ville-musée et ville marchande, connectées par le
Pont Vieux puis le Pont Neuf. Aujourd'hui, bien qu'étant la préfecture
de l'Aude, Carcassonne ne connaît pas un dynamisme économique
très important, la ville reste peu industrialisée, surtout
depuis le déclin de la draperie au XIXe siècle. Son rayonnement
économique est limité et n'atteint pas les ''pays'' voisins
: Corbières, Limouxin, Lauragais, où les villes moyennes
prennent le relais : Lézignan, Limoux et Castelnaudary.
L'urbanisation linéaire récente autour des pôles
urbains
Carcassonne la préfecture et Narbonne se partagent de manière
équilibré le territoire. Autour de ces deux villes en particulier,
et dans le sillon audois, les villages et bourgs se sont dilatés
sous la poussée récente de l'urbanisation. Ce développement
s'effectue trop souvent de manière linéaire en suivant les
infrastructures, sans tenir compte des logiques des paysages et du territoire
:
- vers Carcassonne, les lotissements encerclent les villages à
Villemoustaussou, Cazilhac, Montredon, tandis que les zones d'activités
se multiplient autour de l'aéroport de Salvaza et le long de
la RN113 vers Trèbes, gommant les coupures urbaines entre les
bourgs. Le site classé autour de la Cité préserve
la partie sud de toute urbanisation, maintenant le panorama exceptionnel
sur les remparts, notamment depuis l'autoroute ;
- à Narbonne l'urbanisation envahit les pentes des Corbières
mais aussi la plaine en s'étalant vers l'autoroute A9. L'urbanisation
linéaire est encore plus frappante le long des routes nationales
(RN9 et RN113) avec la multiplication des zones d'activités.
Celles de Prat de Cest (RN9) et de Montredon-des-Corbières (RN113)
apparaissent particulièrement mal placées : la première
se situe au milieu de la plaine viticole du piémont des Corbières,
la seconde est isolée au milieu des collines sur la route de
Fontfroide :
- dans une moindre mesure, c'est tout le sillon audois qui se développe
avec des pôles urbains plus petits tels que Castelnaudary et
Lézignan-Corbières.
Tourisme balnéaire et aménagement du littoral
|
Cabane traditionnelle de pêcheurs aux Cabanes de l'Ayrolle
près de Gruissan. |
|
Les chalets de Gruissan : souvenir du début du tourisme
balnéaire sur le littoral audois. |
|
Port de Gruissan : une opération réussie d'aménagement
du littoral audois. |
|
Port-Leucate : une station trop artificielle qui semble ''flotter''
entre l'étang de Leucate et la mer. Le cordon littoral, fragile,
étroit et instable, n'est pas un site propice aux aménagements
lourds imaginés dans les années 60. |
|
Narbonne-plage : la petite station balnéaire s'adosse
aux pentes de la Clape. |
Longtemps considéré comme inhospitalier et insalubre, le
littoral audois n'était encore habité aux XIXe siècle
que par quelques pêcheurs vivant dans des cabanes vétustes.
Les constructions restaient rares sur la côte : Port-la-Nouvelle
est fondée en 1820 afin de remplacer l'ancien port de Narbonne,
La Nautique, et les chalets sur pilotis de la plage de Gruissan n'apparaissent
qu'à la fin du XIXe siècle, pour un tourisme local de
Narbonnais et Carcassonnais qui découvrent la mode des bains de
mer.
La construction des stations balnéaires ne se développe
vraiment qu'à partir des années 1960, avec l'aménagement
touristique du littoral du Languedoc-Roussillon et la Mission Racine,
créée en 1963. Il est prévu de construire de vastes
unités touristiques à proximité des grosses villes
de l'arrière-pays et de préserver les intervalles en espaces
naturels. Seuls Port-Leucate et Gruissan seront aménagées
dans l'Aude à cette époque : Narbonne-plage et Saint-Pierre-sur-Mer
s'urbaniseront progressivement par la suite, tandis que la station des
''Rives de l'Aude'', prévue à l'emplacement des Cabanes
de Fleury, ne verra jamais le jour.
La qualité paysagère de ces aménagements n'est pas
équivalente :
- l'unité architecturale du port de Gruissan est harmonieuse,
avec ses bâtiments de trois et cinq étages, aux toits arrondis,
qui profite d'un site privilégié entre la Clape et le
village médiéval de Gruissan ;
- les immeubles massifs de Port-Leucate apparaissent inappropriés
sur un site beaucoup moins confortable puisqu'il s'agit d'un étroit
cordon littoral entre la mer et l'étang de Leucate, dénaturé
par les grandes routes d'accès ;
- les constructions hétéroclites de Narbonne-plage ou
Saint-Pierre-sur-Mer n'ont pas la force d'une opération d'ensemble
telle que Gruissan, mais restent finalement plutôt modestes au
pied des pentes de la Clape.
Les coupures urbaines sont relativement importantes sur le littoral audois
; le lido trop étroit n'a pas été construit de manière
linéaire et les nombreux reliefs parsemés entre les étangs
sont préservés de toute construction :
- à l'embouchure de l'Aude s'étend un paysage de marais,
avec l'étang ensablé de Pissevaches, formé de vastes
étendues de sables ;
- sur les pentes de la Clape, Saint-Pierre-sur-mer et Narbonne-plage
s'urbanisent mais restent modestes par rapport à l'ampleur
de la montagne qui descend vers la mer ;
- la montagne de la Clape (dont le nom signifie cailloux en occitan)
constitue un vaste massif rocailleux, avec des ambiances de garrigues
et de bois de pin d'Alep qui tranchent avec les vallons viticoles. Depuis
les sommets, de nombreux belvédères s'ouvrent sur la plaine,
les étangs et la mer ;
- entre Gruissan et Port-la-Nouvelle, le lido trop étroit est
encore sauvage et referme l'ancien golfe de Narbonne ;
- autour des étangs de Bages et de l'Ayrolle, les collines et
les plans d'eau dessinent des berges particulièrement riches,
avec des effets de petites criques (anse de Galère), et des sites
bâtis remarquables comme Bages sur son promontoire, Gruissan sur
son île, Peyriac-de-Mer adossé au relief face à
ces anciens salins ;
- entre Port-la-Nouvelle et La Franqui, le lido préservé
forme de grandes plages de sable ;
- le plateau de Leucate s'avance en mer et dessine de grandes falaises
blanchâtres, un véritable cap surmonté d'un phare
qui constitue un paysage fort et unique dans la région.
Les petites villes : des villes-relais
|
Castelnaudary domine la plaine céréalière
du Lauragais : ici vue depuis le moulin. |
|
Lézignan-Corbières, enrichie grâce au commerce
du vin : ville-relais entre Narbonne et Carcassonne. |
Castelnaudary et Lézignan-Corbières sont des villes-relais
à l'écart de Carcassonne et Narbonne. Autrefois lieux de
marchés et de foires, mais aussi de production industrielle, elles
dynamisent ces zones fragiles situées entre les influences urbaines
des deux villes moyennes du département.
Castelnaudary, s'est fortement enrichie au XVIe siècle
avec la culture du pastel (voir ''les paysages et l'espace agricole''),
puis avec le passage du Canal du Midi (1681). Elle sera même avant
la Révolution plus importante que Narbonne, alors en déclin
(8000 habitants contre seulement 5000 pour cette dernière). Aujourd'hui,
avec 12 000 habitants, la ville est déjà sous l'influence
de l'aire urbaine de Toulouse ; la capitale du Lauragais constitue un
pôle important de l'industrie agro-alimentaire, notamment les conserveries
de cassoulet, et le Groupe coopératif Occitan permet la commercialisation
des produits agricoles du Lauragais sur cinq départements. L'urbanisation
récente s'est surtout développée au sud, formant
une ligne d'urbanisation le long de la RD624 en effaçant la coupure
entre Castelnaudary et Villeneuve-la-Comptal. Les entrées de ville
côté autoroute sont mal maîtrisées alors que
l'urbanisation est mieux contenue au nord, préservant la silhouette
du site bâti de la ville qui domine la plaine depuis son promontoire.
Lézignan-Corbières, située à la croisée
du Minervois, des Corbières et du Narbonnais, joue un rôle
important de marché viticole, et conserve un certain dynamisme
entre Narbonne et Carcassonne. Les rues circulaires plantées de
platanes sont relativement animées et ornées de bâtiments
du XIXe siècle, parfois bourgeois. Ils contrastent avec les maisons
modestes et vétustes, voire les dents creuses du coeur historique.
La ville est sortie depuis longtemps de son plan circulaire initial, délaissant
ce centre historique aujourd'hui appauvri et dégradé, pour
s'étendre le long des voies vers l'autoroute. Le long de la D611
en particuliers, le développement linéaire de la zone industrielle
constitue une entrée de ville banale et médiocre. De même,
entre la voie ferrée et la RN113 à l'est, les bâtiments
d'activités mitent le paysage de la plaine viticole, dégradant
les abords de la ville.
Les villages : un maillage dense dans les plaines
|
Les circulades, des formes urbaines remarquables à valoriser
: un boulevard circulaire à Villeneuve-Minervois. |
|
Quelques bastides se retrouvent dans l'ouest du département
: les halles couvertes sur la place centrale de la bastide de Chalabre
dans le Quercorb. |
|
Le grès de teinte gris-vert se retrouve dans de nombreuses
constructions de l'Aude et en particulier dans le Minervois : ici
à Bize-Minervois. |
Entre les petites et moyennes villes du département, les plaines
sont densément occupées par des villages particulièrement
proche les uns des autres, distants de 2 à 3 km environ, et souvent
situés sur de légers reliefs pour échapper aux crues
du fleuve.
Dans la basse plaine de l'Aude, les sites primitifs bâtis des villages
sont difficiles à étendre car situés sur des terrains
inondables et particulièrement sensibles aux crues du fleuve. Les
villages historiques sont localisés sur de petites buttes au bord
de l'Aude. Mais ces sites à l'abri des eaux sont exigus et totalement
occupés par le coeur villageois ancien ; les nouveaux lotissements
sont alors installés dans la plaine. La forme de ces villages est
aujourd'hui très particulière : l'urbanisation récente
se développe vers l'arrière, laissant le coeur villageois
face au fleuve. Cette situation se retrouve à Saint-Nazaire-d'Aude,
Saint-Marcel-d'Aude, Cuxac-d'Aude, Coursan et Salles-d'Aude, où
les silhouettes de ces sites bâtis sont préservées
côté rivière, tandis que les lotissements s'étendent
de l'autre côté.
Leurs formes urbaines sont parfois remarquables :
- les villages ronds ou circulades, se sont développés
vers l'an mille : dans le Razès, la plupart des villages sont
des circulades (Cambieure, Digne d'Aval, Donazac, Cailhau, Arzens, Loupia,
Alaigne, Bellegarde) ou de forme elliptique (Brézilhac, Ferran),
mais aussi Bram dans le Lauragais, Villeneuve-Minervois dans le Bas-Minervois,
Ginestas et Moussan dans la plaine de l'Aude ;
- les bastides, apparues vers le XIIIe-XIVe siècle, présentent
un plan régulier autour d'une place centrale. Elles correspondent
à des fondations d'implantations de population sous l'influence
concurrente du roi de France, des comtes de Toulouse ou du roi d'Angleterre.
C'est pourquoi on les retrouvent surtout dans la partie occidentale
du département, plutôt rattaché au bassin aquitain
: Quillan, la Bastide Saint-Louis à Carcassonne, Chalabre, Labastide-d'Anjou,
Molandier, Saint-Denis, Cenne-Monestiès, Belpech, Bouillonac, Castelnaudary, Lignarolles ...
Le désert rural des reliefs
|
Beaucoup de villages des Corbières vivent grâce
au tourisme : Cucugnan entre les châteaux médiévaux de Quéribus
et Peyrepertuse. |
|
Maisons restaurées dans le village de Termes, dans les
Corbières. |
|
La restauration des façades des maisons est un enjeu important
dans les petits villages de montagne : maisons en bordure de ruisseau
à Mas-Cabardès. |
|
L'implantation harmonieuse des nouvelles maisons constitue un
enjeu majeur pour les petites villages ruraux : ici des maisons
mitent la garrigue autour de Lagrasse dans les Corbières. |
|
L'ancien Puits Castan de la mine d'or de Salsigne. |
Jusqu'au début du XXe siècle, la population était
assez harmonieusement répartie sur le territoire : seuls les cantons
du coeur des Corbières (Mouthoumet et Tuchan) n'ont jamais dépassé
une densité de 20 habitants au km2.
Les habitants vivaient d'une agriculture organisée en polyculture
et élevage, mais aussi d'autres activités :
- les mines argentifères dans le Termenès (Corbières)
et Cabardès ;
- les mines de fer et les forges, qui fonctionnent de la fin du XVIIIe
siècle à 1850, avec 15 forges en 1803 : Quillan dans la
vallée de l'Aude, Axat, Salvezines, Gincla, Montfort, Lapradelle,
Mérial, Counozouls, Sainte-Colombe, Roquefort-de-Sault dans les
Pyrénées audoises, Ladern, Auriac, Montgaillard, Saint-Pierre-des-Champs
dans les Corbières, et Saint-Denis dans le Cabardès ;
- l'industrie drapière et les manufactures royales de drap dans
le Cabardès (Montolieu, Cuxac-Cabardès, Villardonnel),
les Corbières (Fourtou et Lagrasse), et à Chalabre.
D'autres activités plus localisées ont laissé quelques
traces comme les glacières de Pradelles ou la mine d'or de Salsigne.
Aujourd'hui, l'ensemble des reliefs du département apparaît
très peu peuplé, en contraste radical avec le monde des
plaines : dans la Montagne Noire, le Quercorb, le Pays de Sault, la Piège
et les Corbières, les villages restent modestes, sans extensions
récentes et souvent éloignés les uns des autres par
plus de 5 km.
Dans les Corbières, les villages sont globalement dépeuplés
: les maisons sont progressivement sauvées de la ruine principalement
par la multiplication des résidences secondaires. Le tourisme devient
l'économie principale de cette région, aux côtés
des activités rurales traditionnelles (viticulture à l'est,
élevage et forêt à l'ouest). Les sites bâtis
des châteaux médiévaux attirent en outre les visiteurs et dynamisent
les villages proches : le village de Cucugnan, entre Peyrepertuse et Quéribus,
compte de nombreux restaurants et hôtels, ainsi qu'un théâtre,
mais seulement 113 habitants.
Quant aux villages de la Montagne Noire, qui vivaient de la production
de châtaignes, de l'élevage d'ovins et de bovins, eux aussi
se reconvertissent.
Le Pays de Sault est encore très rural, et les villages sont globalement
dépeuplés avec un vieillissement de la population. Le tourisme
se développe depuis peu mettant en avant un territoire tranquille
et reculé. La petite station de ski de Camurac est l'unique du
département et conserve un aspect de village.
Les communes proches du littoral, ou à proximité de Narbonne,
ont échappé à l'exode rural. Elles apparaissent à
l'inverse colonisées à leurs abords par les maisons neuves
: Portels-des-Corbières, Fitou, Montredon-Corbières...
Les anciennes villes industrielles de la vallée de l'Aude
|
Limoux, ancienne ville industrielle, est toujours la troisième
ville du département. |
|
À Limoux, les hôtels particuliers aux élégantes
arcades sur la place de la République témoignent de
la richesse industrielle passée de la ville. |
|
Les manufactures d'Espéraza, qui fonctionnaient jusque
dans les années 1950 ; la chapellerie y employait jusqu'à
3000 personnes : la reconversion est l'enjeu majeur de toutes
les villes de la moyenne vallée de l'Aude. |
|
Habitats ouvriers à Espéraza : témoignage
de la période faste de la chapellerie |
|
L'Ancienne fabrique de sièges à Quillan |
|
Friches industrielles et ferroviaires autour de la gare de Quillan
: de vastes terrains à reconvertir. |
Dans la vallée de l'Aude, les villes de Quillan, Espéraza
et Limoux, à l'écart du sillon audois, sont d'anciens bourgs
industriels qui s'étaient implantés le long du fleuve :
- autour de Quillan, les activités industrielles se développent
dès le XVIIe siècle avec des forges, des scieries, des
moulins, des manufactures de draps et des chapelleries, profitant de
l'eau du fleuve et des forêts du Pays de Sault. Ce bassin industriel
sera le seul du département jusqu'au XXe siècle. Mais
les activités du XXe siècle (usine Formica, fabrication
de meuble) n'ont pas survécu au déclin des petites centres
industriels ;
- à Axat, les cinq scieries ont fermé ;
- à Espéraza, la chapellerie, avec ses dix ateliers qui
employaient 3000 personnes, n'est plus qu'un musée, la dernière
usine a fermé en 1982 à Montazels.
Ces villes se relèvent difficilement de l'ère post-industrielle
et perdent leur population. Aujourd'hui, les témoignages de leur
prospérité sont nombreux : les maisons massives et hautes,
les rues étroites, les anciennes manufactures, les églises
imposantes et les hôtels particuliers ; de même que les vestiges
industriels : les usines et friches autour de la gare à Quillan,
la ligne de chemin de fer qui remonte jusqu'à Axat, les manufactures
à Espéraza...
À Limoux, la place de la République en coeur de ville, entourée
d'arcades et de beaux hôtels particuliers de la Renaissance, témoigne
de l'importance locale de la ville qui s'est enrichie grâce à
la draperie. Aujourd'hui, c'est surtout la vigne qui s'impose économiquement
: elle est largement cultivée dans le fond de la vallée
et sur les coteaux, dessinant un écrin à la ville à
la fois de qualité et fragile. La Blanquette de Limoux est une
tradition pluricentenaire produite par de nombreuses caves. Ce vin mousseux
serait le premier vin effervescent créé en 1544 par les
moines de l'abbaye de Saint-Hilaire.
L'architecture simple des villages audois
|
Dans la plaine de l'Aude, le Minervois et les Corbières,
de nombreuses maisons de vigneron sont reconnaissables à
leur grand porche laissant passer le tracteur : ici à Moussan
près de Narbonne. |
|
Maisons colorées dans le village de Leucate. |
|
La brique remplace souvent la pierre de taille dans l'encadrement
des ouvertures des maisons à l'ouest du département
: ici à Molandier. |
|
Dans l'ouest audois, le mur-clocher apparaît sur les églises
: ici l'église de Molandier. |
|
Dans la Montagne Noire, les murs des constructions sont parfois
recouverts de grandes ardoises qui protègent de la pluie
et du vent : ici une maison à Saint-Denis.
|
|
Les toitures en ardoises du village de Counouzouls au pied du
Madres. |
|
Maison en pans de bois à Rivel, près de Chalabre |
|
Un paysage urbain composé autour de l'eau : alignements
de façades le long de l'Aude à Quillan. |
|
Les hautes façades des maisons de Rennes-les-Bains s'alignent
sur les berges de la Salz. |
L'architecture des villages audois est relativement simple avec des maisons
généralement de deux étages, un toit de tuiles, des
ouvertures sans ornements, des murs de pierres souvent enduits.
Quelques particularités singularisent les différents pays
audois :
- dans la plaine de l'Aude ou le Minervois, les maisons de vignerons
ne sont pas décorées comme dans l'Hérault voisin
: les balcons en fer forgé et les encadrements d'ouvertures ouvragés
sont rares ;
- dans le Minervois, mais parfois aussi dans la plaine de l'Aude et
les Corbières, le grès de couleur gris-vert se retrouve
dans la plupart des constructions ;
- l'architecture des villages de l'ouest du département se distingue
de la partie méditerranéenne : utilisation de la brique
dans l'encadrement des ouvertures, apparition de mur-clocher sur les
églises à Molandier, Courtauly, Salles-sur-l'Hers,
- les villages de la Montagne Noire sont bâtis avec du schiste
et de l'ardoise sur les toits, les maisons sont souvent recouvertes
d'un enduit et parfois de grandes plaques d'ardoises protègent
les murs de la pluie et du vent ;
- sur le plateau de Sault, le toit des maisons est encore majoritairement
couvert de tuiles, progressivement remplacées par les ardoises
en se rapprochant du Madres ;
- autour de Chalabre, quelques maisons en pans de bois témoignent
de l'importance des forêts dans le Quercorb : à Chalabre
des maisons en encorbellement non restaurées, mais aussi à
Rivel et à Belpech ;
- les berges des cours d'eau constituent généralement
des paysages urbains bien composés : façades et balcons
à Quillan, hautes façades à Rennes-les-Bains, berges
de l'Aude à Limoux...
Les sites bâtis : des silhouettes remarquables
|
Les remparts et les tours de la Cité de Carcassonne émergent
d'un paysage viticole vallonnée. |
|
La silhouette de la ville de Montréal constitue un repère
visuel visible depuis les différents Pays qui se rencontrent
: la Malepère, le Razès, le Carcassès et le
Lauragais. |
|
La silhouette de la cathédrale Saint-Just-et-Saint-Pasteur
identifie la ville de Narbonne : vue depuis l'étang de Bages. |
|
Situé sur le rebord de la Piège, la ville de Fanjeaux
domine toute la plaine du Lauragais et le Razès. |
|
La silhouette du donjon de Quéribus sur son piton rocheux
domine les Hautes Corbières.
|
La Cité de Carcassonne compose sans doute le paysage urbain le
plus emblématique de l'Aude : les remparts et les tours de la cité
médiévale restaurée par Viollet-le-Duc émergent
de la campagne vallonnée dans un rapport direct sans doute unique
en France. La vigne couvre les ondulations du terrain, dessinant une belle
campagne qui met bien en valeur la cité, particulièrement
depuis le sud où les terrains sont protégés de l'urbanisation.
À l'est, les berges de l'Aude et les traversées par les
Ponts Neuf et Pont Vieux, constituent des points de vues privilégiés
sur la Cité, même si les arbres grandissent le long du fleuve
et bouchent partiellement les vues.
D'autres paysages urbains dessinent aussi des silhouettes remarquables
:
- le bourg de Montréal, dominée par son imposante collégiale
Saint-Vincent, est située sur une avancée arrondie du
Massif de la Malepère, entre le Razès, le Carcassès
et le Lauragais. La silhouette bâtie est un repère visuel
depuis ces quatres ''pays'' qui se rejoignent ici ;
- à Narbonne, la cathédrale Saint-Just-et-Saint-Pasteur,
inachevée, domine du haut de ces 40 mètres toute la ville
et caractérise la silhouette de la ville depuis la plaine
;
- Castelnaudary et Fanjeaux sont des sites bâtis exceptionnels,
formant de véritables repères visuels ; le premier domine
la plaine céréalière du Lauragais, le deuxième
s'accroche au rebord de la Piège sur une cuesta qui surplombe
le bassin du Sou et la plaine du Lauragais.
Outre ces exemples qui rayonnent à l'échelle du grand paysage,
la plupart des villages audois, mais aussi des châteaux, notamment
les fameuses citadelles, constituent des sites bâtis remarquables
dont l'enjeu majeur reste de préserver leur cohérence, leur
harmonie et la lisibilité de leur relation au paysage non bâti :
- Lagrasse avec son abbaye et son pont à arche unique qui permet d'enjamber l'Orbiel,
- Aragon, un village perché au sommet d'un éperon rocheux à la confluence de deux vallées étroites,
- Laurac, un village perché sur le rebord des collines de la Piège, ancienne capitale du Lauragais qui porte son nom.
|