> Les fondements
des paysages de l'Aude
- 1. Les paysages et les
reliefs
- 2. Les paysages et la géologie
- 3. Les paysages et l’eau
- 4. Les paysages et la couverture
boisée
- 5. Les paysages et les
espaces agricoles
- 6. Les paysages, l’urbanisation
et les infrastructures
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> Les fondements des paysages
de l'Aude
4. Les paysages et la couverture boisée
Des reliefs boisés et des plaines à l'inverse très ouvertes
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La plaine cultivée de Puivert – Nébias apparaît nettement entre les pentes boisées. |
Sur la carte de la couverture boisée apparaît un découpage net : des reliefs boisés et des plaines très peu boisées.
Cette distinction contribue en partie à l'identification des grands ensembles de paysage (voir partie ''Organisation des paysages'') :
- les grandes plaines du sillon audois et le littoral, très ouvertes ;
- les pentes de la Montagne Noire, des Pyrénées et des Corbières, couvertes d'une toison forestière ;
- à l'ouest, des masses boisées qui ne couvrent pas tous les reliefs : le Quercorb et la Malepère sont aujourd'hui majoritairement très boisés alors que les collines de la Piège et le Razès le restent faiblement, tout comme la vallée de l'Aude.
À une échelle plus précise, la couverture boisée permet de distinguer les unités de paysages les unes des autres, les boisements délimitant souvent de manière assez nette les reliefs et les logiques d'organisation des paysages. Par exemple, la plaine de Puivert - Nébias apparaît clairement comme une trouée (unité de paysage n°30) entre les pentes boisées du Quercorb au nord et le rebord du plateau de Sault au sud ; de même pour les plaines viticoles des Corbières telles celles de Tuchan (unité de paysage n°15), de Durban-Corbières (unité de paysage n°13) ou du Val de Dagne (unité de paysage n°22).
Une couverture boisée relativement récente
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Sapinières sur les sommets de la Montagne Noire.
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L'équilibre espace ouvert/espace fermé dans le Pays de Sault : les forêts couvrent les reliefs tandis que les cultures et pâtures se limitent aux plaines.
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La forêt gagne sur des pâtures en friche dans les gorges du Rebenty.
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La forêt du Pays de Sault : un mélange dominé par les sapins et épicéas, auxquels se mêlent les hêtres, pins sylvestres, chênes pubescents, mélèzes.
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Hêtraie dans le Quercorb.
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Chênaie-charmaie des collines de la Malepère et champs cultivés du Razès au second plan.
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Une maigre garrigue pousse sur les sols très dégradés des Corbières orientales.
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Reboisement avec de jeunes pins parasols sur les pentes des Corbières orientales.
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Reboisement en cèdres de l'Atlas dans les Corbières orientales. |
Le contraste entre des plaines ouvertes et des reliefs boisés s'est accentué au cours du XXe siècle. C'est la diminution des terres cultivées et surtout le recul du pastoralisme qui ont favorisé le boisement des reliefs :
- La Montagne Noire offre de vastes espaces à nu jusqu'à la moitié du XXe siècle et vit d'une économie agro-pastorale. L'essentiel des surfaces est occupé par des terres cultivables et des prairies. Les landes occupent les crêtes et les terrains vallonnés au dessus de 700 mètres ; elles constituent des parcours pour les troupeaux. Les bois sont cantonnés sur les terrains inutilisables par l'agriculture. Cette répartition se maintient jusqu'en 1950, même si, parallèlement, des reboisements résineux sont effectués dans le cadre de la restauration des terrains en montagne (depuis 1860). À partir de 1950, de nombreuses exploitations agricoles ne sont plus viables et l'on assiste à un exode rural de plus en plus important. Aujourd'hui, la forêt couvre 62% de la Montagne Noire. Seuls les plateaux des sommets et les terres plus riches du Cabardès sont encore cultivés ou convertis en prairies. La forêt de feuillus s'étend peu à peu sur les friches et occupe 56% des surfaces, le hêtre domine au-dessus de 700 mètres, puis viennent à l'aval le chêne pubescent et le châtaignier, et dans les secteurs les plus ensoleillés, le chêne vert. De grandes surfaces (44%) sont également enrésinées avec des sapins, épicéas, douglas, pins laricio, cèdres de l'Atlas. Ces forêts, en particuliers de feuillus, sont très utilisées par les promeneurs notamment en automne pour la cueillette des champignons et des châtaignes. Sur les sommets, les sapinières dominent et sont exploitées en coupes à blancs qui entaillent par endroits ces masses boisées sombres.
- Le Pays de Sault, dans les Pyrénées audoises, présente aujourd'hui une généreuse couverture boisée qui ne laisse rien percevoir d'une histoire marquée par la surexploitation. D'importants défrichements s'effectuent suite à la poussée démographique du XVIe siècle, après 200 ans de déprise provoquée par la peste noire. Très peu de parcelles produisent du fourrage et les troupeaux de brebis, chèvres, vaches ou mulets pâturent en forêt, ce qui explique la prépondérance du hêtre sous forme de rejets de souche, tandis que le sapin pectiné disparaît à l'exception des secteurs d'altitude moins fréquentés. Au XVIIe siècle, toutes les forêts facilement accessibles aux populations sont très dégradées. La forêt n'est pas alors exploitée pour produire du bois mais plutôt comme un espace libre où l'on vient faire paître le bétail : le nom latin de ''saltus'' qui désigne ce qui n'est ni culture (ager), ni forêt (silva), donnera son nom à la région. Au XVIIIe siècle, la forêt est protégée afin de produire du bois de construction et du bois pour la marine. Le sapin pectiné est favorisé alors que le hêtre est surexploité afin d'alimenter les forges. À partir de 1850, la pression sur les forêts diminue suite à l'exode rural, l'abandon du bois au profit de la pierre pour les constructions, la fermeture des forges et l'amélioration des moyens de transport permettant d'importer du bois d'autres régions. Le hêtre regagne alors du terrain (24% de la surface boisée), mais c'est globalement le sapin pectiné qui s'étend le plus (35%), traité en futaie régulière. Le Pays de Sault vit désormais de l'agriculture (élevage bovin) et de cette forêt qui couvre à présent 68% du territoire.
- Le Quercorb, appelé également Chalabrais ou Haut-Razès, est un massif de moyenne montagne très boisé. Les sols molassiques peu fertiles portent principalement des forêts ; les cultures se cantonnent dans les fonds de vallées, tandis que les pâturages (vaches et moutons) forment des clairières au milieu des boisements de chênes, de hêtres et de sapins.
- Les collines de la Malepère sont bien plus boisées que le Razès tout proche. Les boisements dominent au centre du massif, les piémonts étant plus cultivés. C'est essentiellement une forêt de feuillus (chênaie-charmaie) qui couvrent les pentes vallonnées : quelques reboisements de résineux (cèdres) sont présents.
- Les Corbières sont inégalement boisées. Deux types de formations coexistent selon l'influence climatique : dans la partie orientale (à l'est de Mouthoumet) la forêt couvre 17,4% du territoire dont 54% de résineux, dans la partie occidentale elle occupe 55% du territoire dont 70% de feuillus.
Dans les Hautes-Corbières, au sud du massif, ainsi qu'à l'ouest, les boisements sont importants et recouvrent bien les pentes. En revanche, à l'est et au nord, les bois sont rares et ce sont plutôt des garrigues et quelques boisements de pins d'Alep et de taillis de chênes verts qui s'implantent sur les coteaux et collines. Dans le massif de Mouthoumet, au centre des Corbières (voir ''Les paysages et la géologie''), le maquis, plus dense et plus haut, remplace la garrigue sur les sols schisteux qui retiennent mieux l'humidité que les calcaires : le passage d'une formation végétale à l'autre est lisible pour des yeux attentifs, par exemple de part et d'autre d'Embres-et-Castelmaure où les pentes arides et rocheuses des garrigues des sols calcaires se couvrent d'un maquis dense et touffu en passant sur des sols schisteux.
A l'ouest, les forêts domaniales du Rialsesse, de l'Eau Salée, de Fourtou, de l'Orme Mort et des Corbières Occidentales datent du XIXe siècle, période durant laquelle des reboisements sont effectués dans le cadre de la restauration des terrains en montagne. La forêt domaniale du Rialsesse fut notamment replantée à raison de 63% de résineux (surtout pin noir d'Autriche, mais aussi pin laricio, cèdre de l'Atlas et pin sylvestre) et 37% de feuillus (surtout chêne rouvre et hêtre). Dans le massif des Petites Corbières occidentales, les boisements dominent et peu de parcelles sont cultivées ; quelques pâturages occupent les sommets arrondis offrant de précieuses ouvertures sur les sommets des Pyrénées, la plaine de Carcassonne, l'étendue des Corbières ou la vallée de l'Aude . Les forêts sont dominées par les pins noirs, les feuillus apparaissant par masses (surtout chênes pubescents et chênes verts).
Plus à l'est, le chêne vert en taillis domine : de Termes à Cucugnan, les pentes en sont largement recouvertes. Au XVIe siècle, les terres riches des vallons et cuvettes sont cultivées en céréales, tandis que les versants et crêtes sont consacrées aux parcours à moutons. La forêt est alors surexploitée, notamment par les verriers. Au XVIIIe siècle, la viticulture prend de l'ampleur, la vigne est plantée dans les vallons et sur les coteaux, les versants et les crêtes sont encore pâturés. Puis au XIXe siècle, le déclin de l'industrie lainière entraîne la chute de l'élevage ovin. Aujourd'hui, les Corbières se sont globalement dépeuplées, excepté le long de la frange littorale. L'essentiel des activités se concentre sur la viticulture et le tourisme à l'est ; l'élevage, la forêt et le tourisme à l'ouest. Les forêts restent rares à l'est : des boisements épars de pins occupent les reliefs du littoral, notamment quelques beaux peuplements de pins d'Alep qui couvrent les pentes de la Clape. Le rebord maritime des Corbières est très déboisé, avec une garrigue rase piquée de quelques jeunes reboisements de pins parasols. Toutefois, le massif de Fontfroide abrite un peuplement rare de pins maritimes des Corbières au niveau du bois du Vicomte et une réserve naturelle est aujourd'hui en cours d'étude afin de préserver cet habitat.
Des ambiances forestières contrastées
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Chênes verts et châtaigniers sur les pentes de la Montagne Noire vers Citou. |
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Châtaignier et fougère aigle, au-dessus de Laspinassières dans la Montagne Noire. |
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Landes à fougères et sapinières vers les sommets de la Montagne Noire. |
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Sur les sommets de la Montagne Noire, les sous-bois sombres des boisements de sapins et d'épicéas.
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Sapinière du Pays de Sault, vers Camurac. |
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Les pentes du Pays de Sault se transforment en draperie multicolore en automne. |
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Les colorations des forêts de feuillus sont spectaculaires en automne : teinte pourpre des érables de Montpellier dans le Pays de Sault. |
Les deux principales masses boisées du département couvrent le Pays de Sault et la Montagne Noire. Ces forêts, de climat plutôt montagnard, sont distinctes de celle que l'on peut rencontrer plus à l'ouest, caractérisées par une dominantes de feuillus, dont le chêne rouvre, typique du climat océanique, et de celle que l'on retrouve sous climat méditerranéen plus à l'est, dominées par les taillis de chênes verts et le pin d'Alep.
L'Aude apparaît donc particulièrement riche grâce à sa position de transition entre deux climats bien différents ainsi qu'à son relief particulièrement marqué.
En montant sur la Montagne Noire, différentes formations boisées sont traversées : les pentes couvertes de chênes verts (jusqu'à 400 mètres d'altitude), puis les peuplements de châtaigniers (de 400 à 700 mètres) et les forêts de hêtres (au-delà de 700 mètres), et enfin les boisements de sapins et épicéas (sur les sommets). Sur les versants exposés au sud, le chêne vert pousse spontanément et repeuple les friches auxquels s'ajoutent les taches de reboisement de pins noirs et de cèdres. Les ambiances sont ainsi particulièrement contrastées lorsque l'on passe d'un versant exposé au sud, avec des chênes verts, à un versant exposé au nord avec des résineux (sapins et épicéas) aux sous-bois très sombres, ou avec des feuillus (hêtres, châtaigniers) aux sous-bois plus clairs, particulièrement remarquables en automne.
Dans le Pays de Sault, se sont les sapinières qui offrent des paysages aux ambiances très particulières, montagnardes et sombres. Mais c'est en automne que les forêts sont les plus spectaculaires : les pentes des gorges de l'Aude et du Rebenty, ainsi que le rebord du plateau de Sault, se couvrent alors d'une magnifique palette de couleur variant du jaune au rouge vif en passant par les bruns et les verts. Cette extraordinaire draperie révèle les différentes essences forestières mélangées : l'érable de Montpellier rouge vif, le chêne pubescent jaune-orange, le hêtre orange ou cuivre, le sapin et l'yeuse verts foncés, le mélèze jaune.
L'importance des arbres isolés et des structures végétales
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Un alignement de frênes le long de la route sur le plateau de Sault rompt la monotonie de la grande plaine d'Espezel. |
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Les bois de pins d'Alep ont aujourd'hui colonisé les pentes de la Clape, après des siècles de surpâturage qui avait mis les sols à nu. Dans cet écrin boisé, les vallons et thalwegs sont soigneusement cultivés en vignes. |
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Quelques beaux chênes pubescents isolés dans la plaine viticole près d'Embres-et-Castelmaure |
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Imbrication de la garrigue et de la vigne dans les Corbières. |
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Les alignements de platanes dessinent le paysage de la route ; ici à Arques. |
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Alignements d'amandiers vers Portel-des-Corbières. |
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Garrigue à genévriers vers Villerouge-Termenès. |
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Le village de Fitou au milieu d'un paysage aride et râpeux de garrigues sur le rebord maritime des Corbières. Seuls les quelques rares cyprès du cimetières poussent dans le fond du vallon. |
Dans les espaces ouverts peu boisés, les arbres isolés et les structures végétales (haies, alignements...) deviennent particulièrement importants pour animer les paysages, enrichir les milieux et diversifier les ambiances :
- dans les grandes plaines cultivées de l'Aude et du Lauragais, mais aussi dans les espaces très agricoles de l'ouest audois (plateau de Sault, Razès, Piège), l'arbre est relégué dans les zones incultes. On le retrouve sous la forme de ripisylve sur les berges des cours d'eau, d'alignement le long des routes, de bois dans les parcs des propriétés, d'allées le long du Canal du Midi ;
- dans les garrigues, les pentes qui étaient au XIXe siècle couvertes d'une végétation très rase et râpeuse suite au surpâturage des troupeaux d'ovins, se sont souvent reboisées en résineux (pin d'Alep), mais les sols les plus ravinés et les plus appauvris ne se couvrent que d'une maigre garrigue, souvent dominée par le chêne kermès, comme dans les Corbières maritimes, notamment autour de Fitou. Dans ces espaces très arides, les petites parcelles cultivées en vignes et les quelques arbres qui les accompagnent sont particulièrement précieux : quelques cyprès, oliviers, amandiers, chênes isolés ponctuent ces paysages fragiles que l'on retrouve dans les petites plaines viticoles vers Treilles, Fitou, Feuilla mais aussi sur le plateau de Leucate ;
- le long des cours d'eau, les ripisylves contribuent à signaler le fil de l'eau dans le paysage et participent au bon fonctionnement écologique des rivières. À défaut de ripisylve, on commence à percevoir dans le paysage les bandes enherbées qui accompagnent les bords de l'eau, fruits de l'évolution récente des primes européennes pour l'agriculture ;
- dans les villages, les cimetières sont traditionnellement plantés de cyprès : les arbres, parfois très vieux, constituent un patrimoine végétal remarquable ;
- autour de Narbonne, les frênes, saules et peupliers, plantés en bocage le long des fossés, offrent une image particulièrement arborée de la plaine agricole.
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