> Paysages de l'Aude : les enjeux majeurs

1. La reconversion de "l'arrière littoral" en espace d'accueil digne d'un bord de mer d'exception

Dans le contexte régional, les paysages du littoral Audois apparaissent particulièrement séduisants. Ils disposent de nombreux atouts :

• la complexité de la géographie naturelle, qui imbrique de façon plus étroite qu’ailleurs le système des étangs lagunaires à des reliefs marqués : dans l’Aude, la mer rentre en terre et la terre sort en mer, composant un paysage littoral dont la première valeur est la riche composition, propice à la multiplication et à la diversité des sites comme à la profondeur des vues : la montagne de la Clape, la colline de Gruissan, l’île Saint-Martin, l’île Sainte-Lucie, les îlots de l’Aute et de Planasse, le plateau de Leucate et sa falaise : autant de morceaux terrestres qui s’avancent ou s’isolent sur l’eau ; à l’inverse l’étang de Bages et de Sigean, vestige du golfe de Narbonne, rompt avec le système régional des étangs lagunaires sagement alignés en retrait du lido, pour s’enfoncer en terre, bordé par une côte ouest remarquable, découpée en micro caps et baies qui ajoute à la richesse des sites et des paysages ;

• la toile de fond des Corbières et des Pyrénées : le paysage littoral Audois bénéficie de l’arrière-plan grandiose des reliefs Pyrénéens et Corbiérois, qui accentue les profondeurs et lui donne du caractère ;

• les vues dominantes : la forte présence des reliefs, notamment de la montagne de la Clape et du plateau de Leucate, permettent d’ouvrir des vues généreuses et précieuses sur le littoral et la complexité de ses paysages, qui ajoutent à leur valeur ;

• la diversité des milieux : cordons sableux du lido, côte sableuse de la Clape, désert sableux de l’étang de Pissevaches, côte rocheuse de Leucate, étangs vastes comme des petites mers intérieures ou intimes et discrètement fermés sur eux-mêmes, fonds de baies, marais pâturés, marais salants ou anciens marais salants : la diversité des milieux, héritée des dispositions naturelles et des modes de mise en valeur, est aussi une diversité de sites de nature, et une diversité des usages économiques et de loisirs qui y sont liés ;

• la qualité des sites bâtis : plusieurs villages composent des sites bâtis remarquables : Gruissan et sa colline couronnée des ruines de son château, Bages en promontoire sur son étang, Peyriac niché plus intimement dans sa baie, Sigean dominant de loin son littoral et ses salins, Lapalme sur les berges de son étang et des ses salins, et même Port la Nouvelle et la puissance de sa silhouette portuaire et industrielle. Mis en scène dans le grand paysage littoral, ils marquent les bords de mer Audois et prennent une valeur iconique de carte postale ;

• la luminosité sereine des étangs : vraie pour tous les étangs littoraux Languedociens, la qualité de la lumière, qui semble émaner des étangs eux-mêmes, ajoutent à l’attraction, voire à la fascination qu’exerce le littoral Audois.

Une préservation assumée de la qualité paysagère du littoral

La qualité des paysages littoraux de l’Aude est aussi liée à la maîtrise de son urbanisation. Ce  sont bien les dispositions de protection, de préservation et de gestion qui ont permis au littoral de conserver sa force et son caractère : Loi littoral, sites classés de la montagne de la Clape, Parc Naturel Régional, sites Natura 2000, ont pris le relais des dispositions d’aménagement des années 1960 et de la création des stations balnéaires nouvelles (Gruissan et Port-Leucate). Aujourd’hui seuls deux secteurs vivent une intense pression immobilière lisible dans le paysage : le secteur de Gruissan/Narbonne-Plage et celui, plus massif, de Port Leucate (prolongé dans les Pyrénées-Orientales par le Barcarès).

Le contexte actuel de réchauffement climatique, dont une des conséquences est l'élévation du niveau moyen de la mer à l'échelle mondiale va aggraver le risque de submersion marine des zones littorales. Ce risque croissant devrait être mieux intégré dans les documents de planification relatifs à l'aménagement et à la gestion du littoral.

Un report préoccupant de la pression sur « l'arrière-littoral ».

En retrait du littoral, l’étroite plaine qui s’allonge entre les premiers reliefs des Corbières et le bord de mer  accueille aujourd’hui à la fois l’autoroute A9 et la RN 9. Elle se rétrécit au sud jusqu’à s’annuler au droit de l’étang de Leucate, où la voie ferrée rejoint l’autoroute et la nationale en un faisceau étroit sur le littoral de l’étang, en contrebas de Fitou.
Ces infrastructures, mais aussi celles qui se connectent dessus, notamment les voies d’accès aux villes et villages du littoral : Bages (RD 105), Peyriac-de-mer (RD 105), Sigean (RD 2009), Port-la-Nouvelle (RN 139), Lapalme (RD 175), Leucate (RD 627 et 327), tendent à banaliser l’espace par des dispositifs d’aménagement excessivement routiers dans des sites méritant des choix plus adaptés aux contextes et aux usages.
Aux abords de ces mêmes infrastructures, la plaine linéaire reçoit aujourd’hui l’essentiel du développement, en étant à la fois proche des sites attractifs du littoral et bien desservie. Ce sont notamment les activités qui se développent, profitant non seulement de la commodité de desserte mais, de façon plus préoccupante, d’un effet de vitrine qui banalise le paysage et tend à le confisquer : entrées/sorties de Narbonne et des villes et villages littoraux.
Bordant l’étendue de la plaine et composant son horizon ouest, les pentes des Corbières, apparaissent râpeuses, la couverture végétale de garrigues étant dégradée. Le phénomène est particulièrement sensible au sud lorsquelles s’inclinent sur l’étang de Leucate.
Dans ce même secteur, autour de Fitou, l’urbanisation d’habitat résidentiel amorce une dynamique qui mérite là encore une maîtrise forte en matière de paysage, d’urbanisme et d’architecture, par la grande sensibilité paysagère de ces pentes généreusement offertes au regard depuis le littoral.
Enfin, le développement de l’éolien par « taches » successives, sensible là encore autour de Fitou, pose des problèmes ou des risques de saturation (addition des projets à proche distance) et d’échelle (« écrasement » du site du village).

… qui peut être aggravé par la crise viticole actuelle

La plaine de l’A9/RN9 est partiellement gérée par la viticulture. La crise viticole actuelle conduit à des arrachages, encouragés par une prime (de l’ordre de 6 000 €/ha en 2007). Sur 3 ans (2006-2008), la Chambre d’agriculture de l’Aude estime à environ 100ha les surfaces arrachés sur chacune des communes de Narbonne, Portel, Peyriac, Sigean et Lapalme. Cette crise est évidemment un facteur de fragilisation de l’organisation des paysages, les parcelles sans avenir pouvant plus facilement partir à l’urbanisation, pour des raisons sociales et économiques de circonstance.
Conscients des enjeux aux abords de ces grandes routes, les acteurs du monde viticole (Cru Fitou) ont un projet de requalification des abords de la RN 9 en vitrine viticole (secteur Fitou-Lapalme, où il y a eu de l’arrachage assez important), valorisante pour leur activité et pour l’image du département et de la région plus globalement.

Vers un « avant-mer », espace d’accueil pour le littoral

Le regard tout entier tourné vers la mer, c’est finalement à tort que l’on considère cette plaine comme un « arrière » littoral. Tout à l’inverse, la présence des grandes routes en fait l’espace d’accueil et d’arrivée sur le bord de mer. La qualité du territoire se joue aussi dans cette épaisseur entre Corbières et franges littorales,

1. par la requalification et la maîtrise paysagère des infrastructures et de leurs abords,
2. par l’accompagnement qualitatif des dynamiques d’urbanisation pour conforter les sites bâtis des bourgs offerts au regard,
3. par l’encouragement à la viticulture et à des cultures de substitution qui restent à définir,
4. et par la reconquête progressive de la couverture végétale des pentes Corbiéroises et de leur gestion.

Narbonne et son bord de mer : une relation ambitieuse à réinventer

Voir 3. L’organisation paysagère et urbaine des agglomérations de Narbonne et de Carcassonne.

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