> Les fondements
des paysages des Pyrénées orientales
- 1. Les paysages et les
reliefs
- 2. Les paysages et la géologie
- 3. Les paysages et l’eau
- 4. Les paysages et la couverture végétale
- 5. Les paysages et l'espace agricole
- 6. Les paysages, l’urbanisation
et les infrastructures
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> Les fondements des paysages
des Pyrénées orientales
4. Les paysages et la couverture végétale
Une répartition de la couverture boisée qui renforce aujourd'hui le contraste montagne/plaine
D'une manière générale, les boisements couvrent aujourd'hui les reliefs du département, renforçant le contraste entre montagne et plaine. La couverture végétale révèle ainsi différents paysages, bien distincts les uns des autres :
- la plaine ouverte cultivée du Roussillon
- les pentes boisées des Albères, du Vallespir, des Aspres, du Conflent, du Fenouillèdes
- les forêts de résineux couvrant les pentes des massifs montagneux
- les garrigues des confins des Corbières
- les espaces ouverts des plateaux d'altitude de Cerdagne et du Capcir
- les sommets dégagés et pelouses alpines des hauts massifs montagneux.
La couverture végétale des versants apparaît relativement récente et témoigne d'une évolution des usages et de la pression des activités humaines sur les territoires de montagne. La propagation de la forêt sur les territoires reculés et difficilement accessibles s'est effectuée en même temps qu'ils se dépeuplaient, les populations migrant vers le littoral et la plaine du Roussillon.
Dans le Vallespir en particulier, les plantations de forêts dans le cadre des opérations de Restauration des Terrains en Montagne (RTM) ont considérablement modifié l'aspect des paysages, transformant des pentes pelées et érodées en versants boisés. Le versant sud du massif du Canigou, fortement dégradé par le surpâturage, fait l'objet de travaux dès la fin du XIXème siècle, notamment dans la haute vallée du Tech avec des semis de pins sylvestres et la restriction de l'élevage. Dans le même temps, les nombreuses plantations de châtaigniers, surtout liées au développement de la viticulture (fabrication des échalas), entraînent la colonisation de toute la rive droite du Vallespir. Après la Première guerre mondiale, la déprise humaine de l'arrière-pays accentue la reconquête de la forêt. Mais c'est surtout après l'aiguat de 1940 que le reboisement de la vallée sera intensif avec la construction de barrages de sédimentation, la stabilisation des lits des torrents, le reboisement de 4000 ha jusqu'à 1900 mètres d'altitude.
Dans la vallée de la Têt, d'importants travaux de reboisement seront également menés dès 1866. En effet, durant la seconde moitié du XIXème siècle, Perpignan subit de nombreuses inondations. La déforestation de la vallée est mise en cause et un périmètre de restauration de 4793 ha est créé. Après une première vague de plantations peu fructueuse, le périmètre sera réduit en 1882 à 2096 ha sur les ravins les plus dangereux. Au final, les reboisements ne seront effectifs que sur la rive droite de la Têt, alors que sur la rive gauche le résultat reste limité.
Globalement, la forêt connaît une extension spectaculaire entre le XIXème siècle et aujourd'hui : en 1836, la superficie boisée du département était évaluée à 47 000 ha, alors qu'elle atteint de nos jours 140 000 ha.
Les ouvertures précieuses en montagne
Exception à la règle, les plateaux d'altitude de Cerdagne et du Capcir forment de vastes espaces ouverts au milieu des massifs montagneux présentant des versants uniformément couverts de pins à crochets et de cônifères. Ces deux plaines perchées offrent des paysages agricoles remarquables et inattendus, magnifiés par les horizons montagneux des grands massifs. La Cerdagne, située à plus de 1200 m d'altitude, est cernée par de hautes montagnes (le Carlit -2921 m- au nord et le Puigmal -2910 m- au sud). Le Capcir forme une plaine glaciaire intramontagnarde dont l'altitude s'échelonne entre 1400 et 1700 m, et située entre les contreforts du Carlit à l'Ouest et les versants boisés du Madres à l'Est.
Sur les sommets et les hauts versants des grands massifs montagneux, la forêt de résineux laisse place aux landes et aux pelouses alpines. Ces espaces ouverts sont soit d'origine naturelle au-dessus de 2000-2300 mètres d'altitude (étage alpin), soit créés artificiellement par le pâturage sur l'étage subalpin (entre 1700-1900 et 2000-2300 mètres d'altitude) au détriment du pin à crochets. On retrouve des espèces rupicoles (liées aux rochers). Dans les cirques, de nombreuses espèces adaptées aux éboulements et glissements du pierrier, supportant une vie latente sous la couverture nivale (pouvant atteindre huit mois), sont endémiques aux Pyrénées. Sur les plas d'altitude, s'étendent des pelouses et prairies naturelles, les rhodoraies, landes à genêt, callunaies, ...
Montagne et Méditerranée : une richesse végétale remarquable et contrastée (des garrigues aux forêts de cônifères)
Le département des Pyrénées-Orientales présente une diversité végétale remarquablement riche grâce à sa situation privilégiée entre montagne et mer : cette situation offre non seulement une large amplitude d'altitude mais aussi des climats contrastés, permettant de passer d'est en ouest et par gradins successifs des plages méditerranéennes et des orangers de Banyuls aux neiges du Carlit. C'est aussi la variété des sols (granite, schiste, calcaire, ...) et des microclimats qui font du département l'un des plus riches de France avec près de 3000 espèces végétales. Cet héritage naturel permet au territoire d'offrir une large palette de milieux s'étageant des garrigues aux pelouses alpines, des taillis de chênes verts aux bois de pins à crochets :
- sur le littoral de la côte sableuse : les dunes et zones humides des étangs,
- dans la plaine du Roussillon, et les premières pentes (Corbières, Fenouillèdes) : la garrigue, formation végétale basse qui colonise les sols calcaires abandonnés par l'agriculture et notamment le pâturage,
- sur les sols acides des Aspres, des Albères et de certaines parties du Fenouillèdes : le maquis, plus dense que la garrigue, la végétation trouvant plus d'eau dans les schistes moins perméables que les roches calcaires,
- sur les sols acides des Aspres et des Albères : les chênes-lièges, qui poussent de zéro à 600 à 700 mètres d'altitude. Avec sa silhouette caractéristique, au tronc tortueux couvert d'une couche claire de liège qui contraste avec son feuillage persistant vert sombre, le chêne liège forme des forêts peu denses plantées par l'homme sur les pentes schisteuses. Sur les 15 000 hectares que compte la suberaie, seuls 5 000 sont encore exploités ;
- sur les pentes ensoleillées jusqu'à 1000 mètres d'altitude environ : le chêne vert. Il forme de véritables boisements sur les premiers reliefs (Aspres, Bas-Vallespir, Bas-Conflent, Fenouillèdes). Indifférent à la nature chimique du sol, il se mêle aussi bien au maquis qu'aux garrigues sur le bas des pentes. Sur les versants montagneux, il reste bien présent parmi les forêts de feuillus et reprend rapidement le dessus sur les soulanes (versants secs et ensoleillés) ;
- les boisements de feuillus caduques, qui se retrouvent sur les pentes plus humides des massifs montagneux, entre l'étage plus sec des chênes verts et chênes-lièges, garrigues et maquis, et l'étage plus frais des résineux. C'est dans cette frange intermédiaire dite de "moyenne montagne" que l'on observe les plus belles forêts de feuillus du département. Les forêts de hêtres sont notamment réputées, comme celles de Boucheville (Fenouillèdes) ou de la Massane (Albères). Le châtaignier domine sur les sols siliceux où il était largement planté afin de nourrir les populations et de fournir les piquets de vigne (échalas) et les douves de tonnellerie. On le retrouve surtout dans le Vallespir, où les taillis abandonnés se mêlent aux robiniers, ou aux ailanthes ... ;
- au-dessus de 1500 mètre d'altitude, les boisements de résineux dominent. Le pin à crochets est le plus représenté, surtout en Cerdagne et Capcir où il couvre de vastes surfaces uniformément sombres, notamment sur les pentes qui encadrent le plateau du Capcir et les versants exposés au nord du Puigmal. Les pins sylvestres forment aussi des boisements quasi monospécifiques telles que la forêt de la Matte et les versants du Haut-Conflent. D'autres essences s'observent aussi telles le pin noir, le cèdre, mais surtout le sapin pectiné qui après une forte régression au XVIIIème siècle suite à la surexploitation forestière, est aujourd'hui en cours de recolonisation, notamment dans les forêts de la Bassouse, de Valmanya, ...
- à l'étage dit alpin, les pelouses et landes montagnardes dominent. La limite de cet étage a été artificiellement étendue au profit des pâturages d'estives et au détriment des pins à crochets ;
- sur les sommets des hauts massifs, les pics et crêtes présentent un aspect rocailleux de roches à nu, renforçant l'aspect sauvage de ces montagnes emblématiques : pic du Canigou, Cambre d'Aze, Puigmal, Pic Carlit, Puig Pedros, ...
La remarquable richesse botanique du massif du Canigou
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Les Pyrénées offrent des espaces naturels isolés, d'aspect sauvage, qui accueillent une flore remarquablement riche : lacs, tourbières, torrents. La mégaphorbiaie, luxuriant groupement végétal de hautes herbes vivaces, se retrouve sur les sols fertiles, humides et profonds des hauts plateaux et rassemble les plus belles plantes des Pyrénées.
Sur les rochers, les escarpements et les falaises, mais aussi les éboulis des nombreux cirques, s'installe une végétation rupicole adaptée à ces milieux. On y retrouve notamment le chèvrefeuille des Pyrénées, la saxifrage intermédiaire, la potentille des neiges, ...
Sur les plas d'altitudes, les prairies sont nombreuses (gispetières, nardaies, festuçaies d'altitude, pelouses écorchées, pozzines oroméditerranéenne, ...) constituant des formations de graminées plus ou moins naturelles influencées par le pâturage.
Les landes montagnardes s'adaptent aux conditions du milieux : les rhodoraies se retrouvent à l'ombre, tandis que le genêt purgatif occupe les soulanes en couvrant souvent des pans entiers de versants incendiés, déboisés ou fortement pacagés.
Bénéficiant d'une position particulièrement avancée vers la Méditerranée (50 km) ainsi que d'une forte amplitude (de 300 mètres dans les vallées du Tech et de la Têt jusqu'à 2784 mètres à son pic), le massif du Canigou présente à lui seul une exceptionnelle richesse botanique. Sa végétation s'étage avec le climat : maquis des Aspres avec ses figuiers, cactus, agaves (jusqu'à 500 mètres d'altitude environ) ; taillis et bois de chênes-lièges et chênes verts, oliveraies (jusqu'à 800 mètres d'altitude) ; forêts de sapins et hêtres (entre 1500 et 2000 mètres d'altitude) ; les alpages (au-delà de 2000 mètres d'altitude).
Des plaines agricoles fruitières cloisonnées par les structures végétales arborées
Les plaines agricoles fruitières occupent globalement les vallées du Tech et du Têt, suivant les couloirs sinueux le long du cours d'eau ou dessinant des plaines bien identifiées comme le Bas-Conflent (Prades), le Riberal (Ille-sur-Têt) ou le Bas-Vallespir (Céret)....
L'agriculture irriguée, essentiellement vouée aux vergers, compose un paysage particulier cloisonné par de nombreuses structures végétales qui assurent une protection des cultures contre les vents violents, notamment la tramontane, vent de secteur nord-ouest soufflant 4 jours sur 10 et pouvant atteindre jusqu'à 180 km/h. Les haies de cyprès et peupliers d'Italie préservent ainsi les pêchers, abricotiers et cerisiers de ce vent violent et asséchant.
L'ambiance de ces paysages est ainsi arborée et plutôt fermée, se distinguant en cela radicalement des plaines viticoles largement ouvertes. |