> Les fondements
des paysages des Pyrénées orientales
- 1. Les paysages et les
reliefs
- 2. Les paysages et la géologie
- 3. Les paysages et l’eau
- 4. Les paysages et la couverture végétale
- 5. Les paysages et l'espace agricole
- 6. Les paysages, l’urbanisation
et les infrastructures
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> Les fondements des paysages
des Pyrénées orientales
3. Les paysages et l'eau
Un réseau hydrographique alimenté par un vaste château d'eau montagnard
Les sommets et hauts plateaux des Pyrénées forment un véritable château d'eau qui alimente les bassins versants de la Têt et du Tech, les deux principaux fleuves du département. L'Aude qui s'écoule dans le département voisin, et la Sègre, qui irrigue la Cerdagne espagnole, sont également alimentés par ce "château d'eau". Seul l'Agly, qui arrose le Fenouillèdes, fait exception à ce schéma en prenant sa source dans les Corbières. En simplifiant, les Pyrénées-Orientales possèdent un seul bassin versant recueillant l'eau qui tombe sur les montagnes (sauf pour les bassins de l'Aude et de la Sègre) pour les acheminer à la Méditerranée.
L'essentiel des eaux potables est récolté dans la nappe souterraine du Pliocène qui s'étend d'Ille-sur-Têt au littoral, entre les couches étanches d'argiles.
Une architecture hydrographique clairement organisée en trois grandes vallées descendant des montagnes à la mer : l'Agly, la Têt et le Tech
L'organisation hydrographique du département est relativement claire et simple : les trois principaux fleuves creusent des vallées globalement parallèles, orientées ouest-est de la montagne à la mer.
La Têt et le Tech, les deux principaux fleuves du département, ont façonné les pentes des Pyrénées, isolant le massif du Canigou en dessinant deux larges vallées :
- au nord, la vallée de la Têt creuse une longue vallée de 45 km de long entre Mont-Louis et Ille-sur-Têt, sur laquelle viennent se greffer de nombreuses vallées d'où le nom de Conflent (" à la confluence de rivières ") : la Castellane, le Cady, la Lentilla, la Rotja, ...
- au sud, la vallée du Tech forme une vallée étroite de 30 km entre La Preste et Céret correspondant au Vallespir.
L'Agly prend sa source dans les Corbières (Aude) et traverse le Fenouillèdes pour se jeter dans la mer au Barcarès.
Un parcours plus complexe dans le pays calcaire du Fenouillèdes
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L'originalité géologique du Fenouillèdes s'accompagne d'un réseau hydrographique plus complexe. En effet les calcaires produisent des paysages dits "karstiques" très caractéristiques : la dissolution de la roche par l'eau chargée de gaz carbonique entraîne l'élargissement des fissures et favorise la création de réseaux d'eau souterrains. L'eau en pays calcaire ne suit donc pas forcément la logique des reliefs. C'est ainsi que l'Agly, qui prend sa source dans les Corbières au pied du Pech Bugarach, prend un cours étonnant : il traverse une épaisse échine de calcaires massifs en creusant les spectaculaires gorges de Galamus ; puis au lieu de suivre le parcours tout tracé en longueur par le synclinal du Fenouillèdes, il le traverse et s'en échappe en entaillant à nouveau une deuxième barrière calcaire : il forme alors la magnifique Clue de la Fou au niveau de Saint-Paul-de-Fenouillet, puis il suit un cours tumultueux parmi les reliefs avant de rejoindre la plaine de la Salanque et de se jeter dans la mer.
Une eau nécessaire mais dangereuse, peu mise en valeur dans les paysages urbains
Le territoire des Pyrénées-Orientales présente de tels contrastes de reliefs sur des surfaces relativement réduites qu'il n'est pas étonnant que, sous climat méditerranéen, le régime des eaux entraîne des inondations brutales et spectaculaires. Les violents orages qui s'abattent sur les montagnes provoquent presque instantanément des crues que l'on nomme "aiguats".
La dernière grande aiguat des 16 et 19 octobre 1940 reste encore dans les mémoires. Les inondations ont touché les 2/3 du département. En Vallespir, la cicatrice du glissement de la Baillanouse est aujourd'hui encore visible : près de 7 millions de m³ de roches gorgées d'eau glissèrent dans le lit du Tech, formant un barrage et provoquant des dégâts importants en aval. À Vernet-les-Bains, les hôtels de la Belle Époque sont partis dans le Cady, et le Vallespir a perdu l'essentiel de son artisanat ...
Aujourd'hui la maîtrise des inondations semble acquise par les réalisations hydrauliques récentes (barrages écrêteurs de crues de Vinça et de Caramany, endiguements et canalisation des lits du Tech, de la Têt, de l'Agly, ...). Toutefois, ces protection ne peuvent assurer la gestion des eaux en cas de situation extrême telle que l'aiguat de 1940 : à Perpignan le calibrage de la Têt assure un débit de 2000 m³/seconde alors qu'il a atteint 3000 m³/seconde le 17 octobre 1940.
Les dangers de cette eau imprévisible n'ont pas empêché des aménagements "à risques" : constructions dans le lit du Tech à Amélie-les-Bains, passage de la RN 116 dans le lit de la Têt. Ils se traduisent souvent par des aménagements de faibles qualités paysagères. Dans les paysages urbains, les cours d'eau ne sont pas mis en valeur mais canalisés, endigués, recouverts, avec le bétonnage de la plupart des cours de rivières dans les villages.
Pourtant quelques exemples originaux de paysages liés à l'eau en milieu urbain s'observent :
- les quais de la Basse à Perpignan mettent en scène le lit enherbé de la rivière canalisée en plein centre-ville ;
- à Cerbère, le lit à sec du torrent traversant la ville est aménagé en rue, avec un lit temporaire devenant chaussée et des trottoirs transformés en quais ;
- les lits sauvages des rivières en ville dessinent par endroits de véritables jardins d'eau composés de rochers, galets et saules : c'est notamment le cas de la Têt à Amélie-les-Bains et du Tech à Prades.
Une maîtrise remarquable de l'irrigation qui structure les paysages
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Le climat rude et l'irrégularité des précipitations dans les Pyrénées-Orientales ont depuis longtemps poussé les hommes à s'assurer la maîtrise de l'eau : des pluies rares en été, violentes au printemps et pire encore en automne, entraînent de fortes variations dans les débits, provoquent de longues périodes de sécheresses et des crues dévastatrices. Ces différents facteurs expliquent la création du réseau hydraulique relativement dense et bien structuré qui, aujourd'hui encore, alimente en eau une partie du département et vivifie l'agriculture.
Les ouvrages hydrauliques du département remontent au IVème siècle. Jusqu'au XIème siècle, la maîtrise de l'eau est surtout utilisée pour faire fonctionner les moulins. À partir du XIIème siècle, sous l'impulsion des abbayes, notamment celle de Saint-Michel-de-Cuixà, d'importants travaux hydrauliques sont menés afin d'étendre les terroirs irrigués. Les premiers grands canaux roussillonnais sont édifiés : le canal d'Ille-sur-Têt, le rec du Vernet et du Pia, le rec de la ville de Perpignan, le canal d'Estagel. Au XIVème siècle, les financements des royaumes de Majorque puis d'Aragon, permettent la construction notamment du canal royal de Thuir, long de 35 km et destiné à irriguer la rive droite de la Têt de Vinça à Perpignan. Depuis, le réseau de canaux s'est fait de plus en plus dense en montagne comme en plaine, afin d'augmenter la superficie des terres irriguées. Les nombreux conflits d'usages entre "ceux d'aval" et "ceux d'amont", qui sévissent depuis le Moyen-Age jusqu'à nos jours, témoignent de l'importance vitale des ressources en eau.
Aujourd'hui, le patrimoine hydraulique, essentiellement hérité de l'époque médiévale, apparaît particulièrement riche, composant des paysages uniques et de grande valeur : des ambiances fraîches et verdoyantes, des lignes d'eau claire supports potentiels de promenade, mais aussi des ouvrages d'art, comme l'aqueduc des "Arcades" à Perpignan, composé de 21 arches construites en cairo (briques pleines) jointoyées de chaux sur 300 mètres de long.
Les paysages naturels des zones humides de montagne
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Les territoires isolés des massifs montagneux du Carlit et du Péric offrent des paysages "sauvages", éloignés des stations de sports d'hiver de Cerdagne et du Capcir, dont la découverte est réservée aux randonneurs. Les cirques et vallées glaciaires abritent des zones humides et lacs qui sont autant de milieux naturels où abondent une flore et une faune riches et uniques : les étangs de Vive, Sec, de La Coumasse, Llat, Llong, Valell, Dougnes, Castella, Trebens, Sobirans, de Camporells, du Récou, ...
Les tourbières offrent des milieux précieux : elles constituent un patrimoine biologique exceptionnel, avec une flore et une faune adaptées aux conditions contraignantes de basse température, d’acidité et d’humidité. On y trouve ainsi 9% des plantes protégées en France, comme la Droséra à feuilles rondes. Elles assurent par ailleurs la régulation du débit des cours d’eau et représentent une ressource modeste mais précieuse pour les troupeaux en fin d’été. Elles ont pourtant été réduites de moitié en France au cours des 50 dernières années, bien souvent à cause des actions humaines : drainage, création de pistes, exploitation de tourbes, piétinement, cueillette de plantes rares, …
Dans les Pyrénées-Orientales on compte environ 700 ha de tourbières réparties dans les massifs du Madres, du Carlit et du Canigou : la Bouilloussette, Matemale, Val d'Aude, Val de Galbe...
L'attractivité des lacs de montagne
Outre les lacs naturels, quelques retenues artificielles, plus vastes, s'ajoutent aux paysages de montagne :
- les lacs de Matemale (construit en 1959, superficie 210 ha et capacité 20 600 000 m³) et de Puyvalador (construit en 1932, superficie 90 ha et capacité 10 000 000 m³) tous deux alimentés par l'Aude ;
- le lac des Bouillouses (construit en 1910, superficie 148 ha et capacité 17 500 000 m³) alimenté par la Têt ;
- l'étang de Lanoux, un lac naturel dont la capacité à été augmentée par la construction d'un barrage en 1960 (superficie 168 ha et capacité 70 700 000 m³).
Ils alimentent des centrales hydroélectriques, servent de réservoirs d'eau, notamment pour l'agriculture, et permettent la régulation des cours d'eau, notamment de la Têt (lac des Bouillouses).
Ces ouvrages à l'origine techniques composent aujourd'hui des paysages attractifs. Les installations touristiques se sont multipliées sur les abords afin d'accueillir les activités de loisirs : randonnée, promenade équestre, vélo, ... Le lac de Matemale, dans le Capcir, est devenu une véritable base de loisirs de plein air : aviron, voile et planche à voile, centre nautique, centre équestre, ...
Les rares et précieux étangs et zones humides du littoral
Le chapelet d'étangs littoraux, caractéristique du littoral languedocien, se poursuit dans les Pyrénées-Orientales avec les étangs de Salses (ou de Leucate) et de Canet (ou de Saint-Nazaire) présents sur la côte sableuse du département.
L'étang de Salses se situe à cheval sur les Pyrénées-Orientales et l'Aude. Il s'étend sur 5800 ha, et sa profondeur maximale atteint 1,9 à 2,3 m du côté de Salses.
L'étang de Canet, dont le Conservatoire du littoral et des rivages lacustres a acquis des terrains sur les berges, est fortement menacé : la lagune est en effet très exposée au comblement naturel ; le grau naturel est fermé et de nombreux apports d'alluvions, charriés notamment par le Réart, menacent de le combler à chaque crue. La surface en eau de l'étang a ainsi diminué de moitié depuis 1750.
Une côte méditerranéenne riche d'un littoral sableux et rocheux
Le littoral des Pyrénées-Orientales est riche d'une côte sableuse et d'une côte rocheuse, présentant chacune des caractéristiques totalement différentes.
La côte sableuse ou "Marenda", s'inscrit dans la continuité du littoral lagunaire régional entre la Camargue et les Albères, et présente en cela les mêmes caractéristiques : un lido sableux, des plages de sable, des étangs littoraux et des zones humides de bords d'étangs. Les perspectives s'étirent et les paysages horizontaux sont magnifiés par la toile de fond des montagnes couronnée par le Canigou vers l'ouest ou par le profil des Albères surgissant de la mer.
La côte rocheuse ou "Vermeill", résulte de l'avancée du massif des Albères dans la Méditerranée, et constitue une exception au niveau régional. Elle offre des paysages totalement différents de ceux la côte sableuse : des pentes abruptes plongeant dans la mer, une succession de caps et de baies créant autant de sites particuliers, des versants sculptés par les terrasses du Cru Banyuls, des villages-ports anciens, un contraste exacerbé entre le monde de la vigne et celui de la mer qui se juxtaposent. |