Atlas des paysages - Diren Languedoc-Roussillon
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19. La côte rocheuse des Albères et son vignoble

Valeurs paysagères clefs

Un relief vigoureux, découpé en vallées séparées par des lignes de crêtes escarpées

 Vue panoramique des baies de Port-Vendres et de Banyuls ; ici depuis le pic de la Grange
 
La côte rocheuse appartient au massif des Albères et constitue l'ensemble des versants est qui tombent directement dans la mer. Sa nature schisteuse, sensible à l'érosion, a été largement attaquée par les cours d'eau dévalant des pentes raides. Le territoire est ainsi compartimenté en une succession de vallées perpendiculaires au littoral, en forme d'amphithéâtres et séparées par des lignes de crêtes escarpées.  

Une côte rocheuse contrastant fortement avec la côte sableuse

 
La plage d'Argelès-sur-Mer ; ici depuis la route du littoral RD 114
 
Les pentes des Albères vue depuis la plage d'Argelès-sur-Mer
 
Les pentes abruptes des Albères, en plongeant directement dans la mer, offrent un contraste saisissant avec la côte sableuse qui s'allonge sur tout le Roussillon et le Languedoc :
  • depuis les plages de la côte sableuse, les horizons montagneux des Albères qui s'avancent jusqu'au cap de Creus composent une remarquable toile de fond qui cadre les paysages horizontaux du littoral sableux et lagunaire ;
  • depuis les pentes de la côte rocheuse, les plages de sables du littoral roussillonnais dessinent une longue courbe filant à l'horizon jusqu'aux lointaines falaises du cap Leucate.
 

Une côte rocheuse découpée en caps et criques

 
Falaises schisteuses ; ici au Cap Béar
 
Caps et baies de la côte rocheuse ; ici vue vers le sud depuis le Cap Béar
 
La plage de l'anse de Paulilles dans les sites classés des caps Béar et Oullestrel
 
Les falaises schisteuses sombres du cap Cerbère et le cap de Creus à l'horizon
 
Aménagement du cap Cerbère avec son phare solaire construit en 1982
 
Les reliefs découpés des Albères dessinent un rivage complexe et riche, marqué par de fortes pentes plongeant directement dans la mer. Il présente une succession de criques plus ou moins vastes, séparées par des caps rocheux aux falaises de schistes abruptes et déchiquetées. Les plages et les ports se lovent à l'abri dans les baies, alors que les caps, balayés par les vents, sont globalement restés sauvages. Du nord au sud, on retrouve : l'anse de la Buleta (Collioure), le cap Gros, l'anse de la Mauresque (Port-Vendres), le cap Béar, l'anse de Paulilles, le cap Oullastrel, le cap Castell, la plage des Elme, le cap d'Osne, l'anse du Fontaulé (baie de Banyuls), le cap du Troc, le cap de l'Abeille, le cap Rédéris, la plage de Peyrefite, le cap de Peyrefite, l'anse de Terrimbo, le cap Canadell, la crique de Cerbère, le cap Cerbère.
Globalement plutôt préservée de l'urbanisation, la côte rocheuse fait aujourd'hui l'objet de nombreuses mesures de protections, la plupart des caps étant pris dans un périmètre de site classé : Rochers du Racou, cap Béar, cap Oullestrel, cap de l'Abeille, anse de Terrimbo.  

Des pentes schisteuses, arides et peu boisées

 
Pentes couvertes de terrasses en friche ; ici le Puig de las Daynes vers Port-Vendres
 
Chênes-lièges sur le haut des pentes ; ici vers le col de la Serre
 
Schistes et maquis ras sur les pentes avec la tour Madeloc
 
Végétation rousse du maquis : cistes, romarins, bruyères et ajoncs ; ici sur le cap Béar
 
Chênes-lièges sur le haut des pentes ; ici vers le col des Gascons
 
Les pentes abruptes des Albères présentent aujourd'hui une végétation naturelle rase de maquis avec de nombreux affleurements de micaschistes de couleur gris-vert et de schistes sombres gris-noir teintés de rouille. Seuls quelques sites abrités des vents violents (Tramontane de secteur nord, Marinade ou vent de la mer, et le vent d'Espagne) et n'ayant pas subi d'incendies récents, accueillent quelques boisements de chênes-lièges, chênes verts, pins parasols ou pins maritimes, que l'on retrouve parfois jusqu'en bord de mer, comme dans l'anse de Paulilles. La végétation arborée valorise alors tout particulièrement le paysage littoral.
Globalement, la couverture végétale se fait de plus en plus rase en allant vers le sud de la côte : les pentes du cirque de Cerbère sont particulièrement arides et âpres alors que celles du cirque de Collioure apparaissent beaucoup plus boisées.
Sur les caps et les crêtes, la végétation balayée par les vents violents et attaquée par les embruns reste rase, composant un maquis aux teintes dominantes rousses, piqué de cistes, romarins, bruyères et ajoncs : cap Béar, sommet de la tour Madeloc, Pic Joan, Puig de las Daynes, ...
Sur les hauteurs, les précipitations sont nettement plus importantes : environ 1400 mm à la station de la Massane à 660 mètres d'altitude, contre 600 mm à la station du cap Béar à 82 mètres d'altitude ; une végétation plus dense a pu ainsi s'installer avec quelques boisements de feuillus se cantonnant dans les vallons (chênes pubescents, chênes rouvres et même hêtres) et des pelouses sommitales, notamment sur le Pic de Sailfort (981 mètres d'altitude).  

Des vues panoramiques remarquables depuis les pentes

 
 Vue panoramique sur le littoral ; ici depuis la route RD 86
 
Panorama sur la côte sableuse ; ici depuis le Cap Béar
 
Panorama depuis les pentes dominant Banyuls : les sommets des Albères avec le Pic de Sailfort (sur la gauche) et la côte avec la baie de Banyuls
 
 Panorama sur la côte depuis la route du circuit des crêtes
 
Les Albères constituent un balcon naturel ouvert sur la mer qui offre des panoramas remarquables sur toute la côte rocheuse, mais aussi sur les pentes du massif, ainsi que sur la plaine du Roussillon et la côte sableuse.
Les voies qui sillonnent la côte et les pentes des Albères sont de véritables " routes-paysage " :
  • la route du littoral RD 114 et RN 114 serpente entre les baies et les caps, offrant des vues sur les falaises schisteuses, les ports et les criques ;
  • les petites routes qui grimpent sur les versants, telle que la RD 86, aussi appelée circuit des crêtes, surplombent tous les sites en amphithéâtre des différents ports, et permettent d'embrasser d'un seul regard toute l'étendue de la côte depuis la plaine du Roussillon jusqu'au cap de Creus.
 

Des pentes sculptées par les terrasses viticoles

 
Vendanges manuelles ; ici à Collioure
 
Terrasses viticoles en schiste ; ici à Collioure
 
Remarquable paysage de pentes sculptées par les terrasses viticoles ; ici vers Collioure
 
Vallon aux pentes sculptées par les terrasses viticoles avec la Tour de Madeloc sur les crêtes ; ici depuis le col de Mollo
 
Rencontre des pentes viticoles et de la mer ; ici l'anse de Paulilles
 
Détail d'une agouille maître
 
Le vallon de Cosprons avec le site bâti de Cosprons entouré de coteaux viticoles et surplombé par  la tour Madeloc
 
Le système du peu de gall (réseau pluvial en patte de coq) : terrasses horizontales retenant le sol, rigoles obliques et collecteur central évacuant l'eau
 
Détail des rigoles obliques acheminant l'eau jusqu'à l'agouille maîtresse
 
Les pentes viticoles " scarifiées " par les peus de gall ; ici dans le périmètre classé du bassin de la Baillaury
 
Vignes récentes façonnées au bulldozer sans murettes ; ici dans le cirque de Collioure
 
L'essentiel des pentes littorales des Albères apparaît couvert d'un vignoble en terrasses qui compose l'étonnant terroir du Cru Banyuls. Le vignoble façonne ainsi les paysages des différentes baies de la côte et constituent l'écrin des ports qui s'y sont abrités. La vigne est introduite par les marins Corinthiens dès l'Antiquité (VIIe siècle avant J.C.), et sa culture est fortement développée par les Romains qui exportent les vins par les ports de Collioure et de Port-Vendres. Mais c'est au XIXème siècle avec l'arrivée du train que le vignoble s'étend sur toute la côte recouvrant peu à peu tout le bas des pentes.
Les versants sont véritablement sculptés pour accueillir les ceps de vignes, avec une maîtrise exceptionnelle des techniques agricoles traditionnelles adaptées au difficile milieu naturel : pente raide, pluie violente.
Les terrasses viticoles, ou feixas, sont bordées de murets de pierres sèches (schistes) qui épousent les formes du relief : ces ouvrages horizontaux permettent de retenir les sols sur les pentes abruptes. Le peu de gall, un savant système d'évacuation des eaux, accompagne les terrasses afin de les préserver de la violence des pluies : il fonctionne grâce à de petits canaux appelés agouilles secondaires, qui recoupent les vignes en diagonale, interceptent le ruissellement superficiel des terrasses et acheminent l'eau vers une agouille maîtresse verticale creusée dans les thalwegs. Ces structures dessinent un paysage géométrique remarquable, caractéristique du terroir viticole de la Côte Vermeille.
Depuis une quinzaine d'années, suite au développement de l'AOC Collioure (1991), le vignoble connaît un renouveau économique, qui se traduit par l'enrayement de la déprise qui sévissait depuis 30 ans, et par la reconquête du vignoble.
Aujourd'hui, le vignoble apparaît bien entretenu. Pourtant, la gestion d'un tel patrimoine n'est pas sans poser de problème aux viticulteurs. Depuis 1980, l'utilisation du bulldozer entraîne la création de nouvelles vignes où les murettes sont remplacées par de simples talus et les terrasses deviennent des banquettes plus larges et à pente plus forte. Ces nouvelles formes modifient sensiblement l'aspect du vignoble, simplifiant les pentes et les rendant plus sensibles à l'érosion.
À cela s'ajoute le problème de cabanisation lié aux pressions urbaines de la côte et entraînant la transformation de certains casots en petites "résidences secondaires", ainsi que la dégradation du terroir agricole avec l'apparition de friches, la banalisation de l'architecture viticole traditionnelle ou sa mauvaise restauration, l'abandon du réseau de peu de gall, ...
Toutefois, de nombreuses mesures sont prises pour sauvegarder et pérenniser le patrimoine viticole, notamment par les deux OGAF (opération groupée d'aménagement foncier) et les deux syndicats de Cru (Banyuls et Collioure) :
  • obligation d'entretien des parcelles pour bénéficier des aides agricoles ;
  • adaptation des techniques de plantations en vue de concilier mécanisation et maintien des terrasses (utilisation de "pelle-araignée", des tracteurs pouvant accéder sur les terrasses) ;
  • mesures agri-environnementales paysagères (primes pour l'entretien des murettes et rigoles, formations à la construction et à la réfection des murettes) ;
  • plantation de vignes pare-feux,
  • cahier de recommandations paysagères et architecturales pour le petit patrimoine.
Les sites classés du "cirque des collines de Collioure" (depuis 1993), ainsi que le "bassin de la Baillaury" (depuis 2003) témoignent d'une volonté de protéger le patrimoine viticole.
Peu à peu, les terrasses passent du stade de contraintes d'exploitation à celui de patrimoine viticole et paysager, avec une prise de conscience de l'intérêt économique, touristique, mais aussi culturel de cet héritage. Ce terroir a reçu le label "Paysage de reconquête" en 1993, accordé aux sites remarquables soutenus par des activités économiques ; une demande d'inscription au titre du patrimoine mondial de l'Unesco est en préparation.  

Des villages-ports composant des sites bâtis remarquables dans les baies

 
Collioure dans sa baie
 
L'anse de Collioure avec l'imposant Château Royal et la plage
 
Collioure : le clocher de l'église Saint-Vincent et le port
 
La baie de Port-Vendres
 
Le port de Port-Vendres mêlant agréablement activités de pêche et de plaisance
 
La fine silhouette du phare de Port-Vendres
 
Port-Vendres : les quais face à l'église
 
Port-Vendres : filets colorés d'un bateau de pêche
 
 La baie de Banyuls-sur-Mer
 
Le village de Cerbère dans son anse
 
La petite plage de Cerbère, comme " écrasée " par l'urbanisation et les nombreuses infrastructures (RN 114 et gare ferroviaire) qui la dominent
 
La côte rocheuse est ponctuée d'une succession de villages-ports construits à l'abri des criques et présentant chacun un caractère propre.
Collioure est sans doute le plus connu des ports de la côte, rendu célèbre par Matisse et Derain qui y inventent le Fauvisme au début du XXème siècle. Le musée Peské et la route du Fauvisme rendent aujourd'hui hommage aux artistes inspirés par les couleurs et la lumière vives du site. Ancien port de pêche renommé pour ses anchois, la ville vit aujourd'hui principalement du tourisme et accueille de nombreux vacanciers en été. Elle garde les traces des travaux effectués par Vauban au XVIIème siècle qui voulait en faire une ville de garnison suite à son annexion par le traité des Pyrénées en 1659. Il rasa la vieille-ville pour agrandir le château et construisit deux forts de part et d'autre de la baie : Saint-Elme et le Mirador. La ville fut alors reconstruite dans le creux de l'anse, dominée par son imposant château royal qui jouxte toujours le petit port et le clocher au dôme rose aménagé dans l'ancien phare médiéval. Les ruelles aux façades colorées et animées entourent l'anse alors que les constructions récentes se sont multipliées dans " l'arrière-pays ", sur les pentes du cirque viticole.
Port-Vendres est un port de pêche et de commerce développé au XVIIème siècle par Vauban au détriment de Collioure, autour d'un vaste bassin rectangulaire creusé dans la crique. Animé par les navires marchands et de pêche, le port reçoit d'importantes cargaisons de fruits venus du Cameroun et de Côte-d'Ivoire et assure le transport de voyageurs vers Tanger. La juxtaposition des activités de commerce, de pêche et de plaisance donne aux quais de Port-Vendres une ambiance particulière et animée avec les filets de pêches colorés, les dimensions imposantes des navires de commerce, les barques aux couleurs vives, l'ensemble étant bordé par les façades de la ville.
Banyuls-sur-Mer est une petite ville construite dans une belle baie en forme de fer à cheval entre le cap d'Osne et le cap du Troc. Le village vivait de la pêche et de la viticulture, cette dernière ayant peu à peu pris le dessus, avec la renommée des vins de Banyuls. Aujourd'hui, elle constitue la principale activité de la ville avec le tourisme. L'urbanisation récente s'est développée autour de la vieille ville construite au fond de la baie : elle s'étend largement de part et d'autre sur les pentes avec quelques points noirs architecturaux (grands volumes bâtis) qui dévalorisent le site naturel de la baie en bouleversant la hiérarchie du bâti. L'urbanisation s'est aussi développée vers " l'arrière-pays " au détriment des espaces viticoles aujourd'hui protégés par le site classé du bassin de la Baillaury.
Cerbère apparaît sans doute comme le plus étrange des villages-ports de la côte : niché dans une petite crique prise d'assaut par les nombreuses infrastructures routières et ferroviaires, le petit village semble aujourd'hui comme écrasé par l'imposante gare internationale trônant au sommet d'un remblai massif de 23 mètre de haut soutenu par des arches de brique. Le passage de la route RN 114 s'est effectué en force, en balcon coiffant la falaise, tandis que l'urbanisation récente envahit les pentes qui encadrent la petite plage. L'ensemble compose un paysage surprenant, entouré de pentes râpeuses, particulièrement arides où la vigne se fait moins présente que sur le restant de la côte.  

 


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