Atlas des paysages - Diren Languedoc-Roussillon
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26. Les Cévennes des serres et des valats

Valeurs paysagères clefs

Des vallées profondes taillées en V.

 
 Vue d'ensemble sur le Gardon de Saint-Germain et ses affluents depuis le col de la RD 13 (le Pradel, Camp Redon)
 
 360° Les Cévennes perçues depuis le col de Banette (est du Bougès) : vue sur le mont Lozère, la montagne du Bougès, la vallée du Luech, la vallée du Gardon d'Alès et ses affluents
 
La vallée du Galeizon vue de l'amont : profil en V et boisements presque omniprésents
 
Vue vers le nord (Gardon d'Alès) depuis la montagne de Mortissou
 
La vallée du Luech, cadrée par le Mont Lozère, vue depuis les environs du col de la Croix Berthel
 
Les affluents au nord du Gardon d'Alès vus depuis le col de Malpertus à l'est du Bougès : communes de Saint-Privat-de-Vallongue, de Saint-Frézal-de-Ventalon, ...
 
Les Cévennes sont principalement organisées en vallées profondes et serres successives, qui descendent brutalement des hauteurs du Mont-Lozère (1699 m), de l'Aigoual (1 567 m), du Bougès (1 421 m) et du Lingas (La Lusette, 1 445 m), dans un dénivelé de près de 1 400 m. La forte pente, associée aux sols majoritairement sensibles à l'érosion car schisteux, et aux précipitations fortes et abondantes sur les sommets (jusqu'à 2 m d'eau par an concentrées parfois sur quelques journées diluviennes), explique ces découpes profondes en formes de V : l'eau ravine les reliefs avec violence, et les Cévennes forment un monde de pentes, où les replats sont rarissimes et presque luxueux.  

Une tempête de crêtes, vue depuis les sommets.

 
 Serre schisteuse et ouverture sur la Vallée Française, depuis la RD 9 (Corniche des Cévennes)
 
La succession des crêtes vue depuis le col de la RD 13 à l'est de Saint-Germain-de-Calberte (col de rencontre entre la Montagne de la Vieille Morte et la Montagne de Mortissou). Au fond, le mont Lozère
 
Vagues de serres successives, caractéristiques des Cévennes, ici perçues depuis la RD 35 en crête vers Saint-Andéol-de-Clerguemort, à l'est de la montagne du Bougès.
 
Perçues depuis les hauteurs Lozériennes, les serres, étroites crêtes schisteuses qui séparent les vallées les unes des autres, forment d'étonnants plans successifs qui s'évanouissent dans les tons bleutés du lointain. Cette caractéristique a souvent conduit les auteurs à prendre une image maritime pour décrire cette vision d'une partie des Cévennes : océan, tempêtes de crêtes, lames, vagues, ... (voir le chapitre " Les fondements culturels des paysages de la Lozère " dans le présent Atlas). Ces crêtes forment des parcours privilégiés pour découvrir le pays des vallées cévenoles en les percevant largement de haut. Des points de vue y ont été aménagés, tel celui de... qui offre des explications sur la formation et l'évolution du paysage Cévenol.

Les serres se raccrochent parfois à l'amont à des formes de reliefs plus aplanies et plus tabulaires en altitude. C'est vrai pour le mont Lozère, au dôme granitique, mais vrai aussi à 900-1000 m entre Barre-des-Cévennes et Plan-de-Fontmort. Dans ce dernier cas, il s'agit des vestiges de la " pénéplaine anté-triasique ", formée il y a 240 à 200 millions d'années et mise au jour par l'érosion qui a supprimé sa couverture de terrains secondaires.

La serre la plus connue est celle parcourue par la RD 9 entre Saint-Jean-du-Gard et le Pompidou : c'est la Corniche des Cévennes, qui sépare la Vallée Borgne au sud côté Gard de la Vallée Française au nord côté Lozère.  

Un couvert forestier quasiment total mais diversifié.

 
Les pentes du Gardon de Saint-Martin-de-Lansuscle, entièrement tapissées de pins et châtaigniers
 
Le chêne vert au col de Banette, en limite haute à près de 1000 m d'altitude
 
Châtaigniers et pins maritimes mêlés entre Saint-Etienne-Vallée-Française et Saint-Germain-de-Calberte
 
Pins maritimes brûlés vers Saint-Etienne-Vallée-Française
 
Hormis les sommets les plus élevés, ceux du Mont Lozère, une petite calotte du Mont Aigoual, le dos arrondi du Lingas et celui du Bougès, couverts de landes, de pelouses d'altitude et de tourbières, la forêt est aujourd'hui partout présente sur les pentes des Cévennes, coiffant les sommets, les pentes et, de façon plus problématique, occupant même les fonds des vallées habités et circulés.

Si le couvert végétal paraît aujourd'hui quasiment omniprésent, les essences varient très fortement selon les secteurs du fait des variations d'altitude et d'exposition, composant des paysages nettement différents selon que l'on soit environné de chênes verts à l'aval, aux accents méditerranéens marqués, ou de hêtres et de sapins à l'amont (à partir de 900 m d'altitude), qui composent des ambiances forestières montagnardes et humides.
Les données naturelles ne sont pas seules à entrer en jeu dans le paysage végétal des Cévennes. Plus à l'aval, dans l'aval de la Lozère et surtout dans le Gard, autour du bassin minier d'Alès, les pins maritimes coiffent les pentes de façon presque exclusive. Ils ont été plantés par les compagnies minières qui avaient besoin de bois de mine pour la construction des puits et des galeries. Naturellement sensibles aux feux, les bois de pins sont aujourd'hui d'autant plus inflammables qu'ils sont peu gérés.

Entre 300 et 900 m d'altitude, le châtaignier occupe encore de vastes surfaces, favorisé pendant des siècles par les hommes au détriment du chêne dont il occupe l'étage climatique. Depuis l'explosion démographique du XVIe siècle jusqu'aux années 1950, il constituait "l'arbre à pain ", nourrissant hommes et bêtes. On le rencontre aujourd'hui principalement sous forme de taillis (les bouscas), aux sous-bois appauvris par l'ombre dense et l'épais tapis de feuilles à la décomposition lente. Plus rarement on trouve encore des traces de cultures de châtaignier en verger, où l'arbre était planté, greffé et soigné pour la production des châtaignes.
Les branches mortes qui blanchissent au soleil trahissent les maladies qui frappent le châtaignier : l'encre, apparue en 1871 et l'endothia (ou chancre de l'écorce) à partir de 1957. La première est due à un champignon, (phytophthora) qui attaque les racines et provoque la mort de l'arbre ; la seconde est aussi due à un champignon qui pénètre dans l'arbre à la faveur d'une blessure et provoque la mort de la partie supérieure de l'arbre. Il reste encore aujourd'hui environ 40 000 hectares de châtaigniers sur l'ensemble des Cévennes.
Quant aux mûriers (mûrier noir et mûrier blanc), ils ont à peu près disparu du paysage cévenol, quelques rares individus taillés en têtard constituant les ultimes témoins d'un arbre qui a été pourtant omniprésent dans les Cévennes pour nourrir de ses feuilles les voraces vers à soie.  

Des roches schisteuses révélées par l'habitat et les ouvrages.

 
Schiste en Vallée Française
 
Paroi de schiste dans le Gardon de Mialet, à l'aval de Saint-Etienne-Vallée-Française
 
Murs d'accompagnement et de soutènement de la route, dans la vallée de l'Altier
 
Grand Altier, dans la vallée du même nom : paysage bâti remarquable, associant la roche affleurante naturelle et les murs des soutènements et des maisons dans une même unité
 
Maison de schiste en Vallée Française
 
Route taillée dans la schiste dans la vallée de l'Altier (RD 901)
 
Schiste parsemé de boules de granit et de gneiss sur un mur de maison vers Sainte-Croix-Vallée-Française
 
Schiste et blocs de quartz sur un mur vers Saint-Andéol-de-Clerguemort
 
C'est le schiste,complété par le granit et le gneiss, qui fait l'identité et l'originalité des vallées cévenoles en Lozère et sur l'essentiel du Gard, où seule la bordure avale devient calcaire. Resituées dans une échelle large, les Cévennes apparaissent d'ailleurs clairement comme une avancée en presqu'île du socle ancien de l'ère primaire vers le sud, entre les calcaires des causses à l'ouest et ceux des garrigues à l'est. Les schistes et micaschistes sont nettement dominants dans le paysage cévenol, brillants comme des coquilles d'huîtres, notamment par exemple au col de Jalcreste. Ils sont issus de la transformation d'argiles, déposées par des mers très anciennes du début de l'ère primaire, datées d'environ 500 millions d'années. Leur composition feuilletée les rend sensibles à l'érosion et, depuis le Quaternaire, l'action du gel et des pluies a conduit à la formation des serres et des vallées successives profondes et raides qui font l'essentiel de la morphologie des Cévennes aujourd'hui.

Les granits, plus durs, plus résistants à l'érosion, sont souvent constitutifs des sommets des Cévennes : Mont Lozère, montagne du Bougès, Mont Aigoual, montagne du Lingas. Ils sont issus des transformations des roches les plus anciennes lors de la formation de la chaîne hercynienne, par la remontée du magma à travers les micaschistes et les gneiss ; ils sont datés d'environ 300 millions d'années.

Les schistes marquent beaucoup le paysage cévenol des serres et des valats : dans les affleurements rocheux, mais aussi dans l'habitat qui, selon sa situation, s'habille de schistes sombres auxquels se mêlent parfois, aux marges de la " Cévenne des Cévennes ", des roches d'origine différentes : grès (Barre-des-Cévennes), calcaires (le Pompidou), granits, quartz, ...  

Des pentes sculptées par le travail l'homme qui disparaissent peu à peu.

 
Ensemble de terrasses remarquables dans la vallée du Gardon de Saint-Martin
 
Exemple de terrasses envahies par la végétation, en Vallée Française
 
Reliefs et géologie sont également à l'honneur par les traces omniprésentes des terrasses, soutenues par des murs de pierre, qui ont véritablement sculpté les Cévennes de façon extraordinaire.
Ces bancels aménagés sont les principaux et émouvants témoins de l'intense mise en valeur des Cévennes par les hommes. La densité de population a culminé dans la montagne entre le milieu du XVIIIe siècle et le milieu du XIXe siècle. L'exode est récent, débutant à la fin du XIXe siècle et s'accélérant entre 1950 et 1980, les pertes de population étant parfois supérieures à 50 % durant ces trente années.
La baisse de population entraîne l'abandon des terrasses, édifices fragiles comme des jardins, qui nécessitent la présence constante des hommes pour réparer les murs ou remonter la terre. De façon massive se lit aujourd'hui la conquête des terrasses par les arbres, qui les font disparaître du paysage en les soustrayant au regard et en accélérant la ruine des murs.  

Une typologie de villages plus variée que dans les Cévennes Gardoises

 
Sainte-Croix, cristallisé sur les bords du Gardon du même nom
 
Le village d'Altier, accroché au bas des pentes de la vallée
 
Villes Hautes, en position perchée sur les pentes bien exposées au soleil de la vallée de l'Altier
 
Vialas, accroché en contrebas des falaises granitiques du Mont Lozère
 
Saint-Germain-de-Calberte, sur les pentes au-dessus du Gardon de Saint-Germain
 
 Saint-Etienne-Vallée-Française, accroché sur une arête qui domine le Gardon
 
Cubières, allongé sur un ressaut dominant l'Altier
 
Le Pompidou, étiré sur une serre qui sépare les Gardons de Saint-Jean et de Sainte-Croix : une exception dans la typologie des villages cévenols
 
Au cour des vallées Cévenoles, les villages apparaissent particulièrement densément construits, tassés et plus souvent allongés dans les fonds des vallées, qui paraissent trop étroites pour les accueillir. Le manque de place, associé aux exigences anciennes de l'élevage du ver à soie, a conduit à monter les maisons jusqu'à trois ou quatre étages. Comme les terrasses, ces formes urbaines et architecturales particulières, plus austères que dans les plaines et garrigues languedociennes, témoignent également de la forte présence des hommes dans les Cévennes jusqu'à une période récente, voire de la surpopulation qui régnait dans les vallées, qu'elle soit liée au développement agricole et séricicole, ou à celui de l'industrie minière.
Cette caractéristique remarquable est particulièrement valable dans le Gard.

En Lozère toutefois, qui recouvre les parties amont des vallées, on trouve quelques villages qui échappent aux fonds pour profiter de pentes hautes pas trop raides, en contrebas des hauts sommets cévenols qui les abritent. C'est le cas notamment de Saint-Germain-de-Calberte, déconnecté du Gardon de Saint-Germain qui coule 50 - 100 m en contrebas ; de Saint-Martin-de-Lansuscle, de Saint-Martin-de Boubaux (vallée du Galeizon), de Saint-André-de-Lancize, de Vials au-dessus du Luech, de Villes Hautes et de Villes Basses dans la vallée de l'Altier, ...

Saint-Etienne-Vallée-Française occupe également une position originale et remarquable, sur une arête de relief qui domine le Gardon ; une situation comparable à celle de Cubières, dominant l'Altier.

Enfin le Pompidou occupe une position unique, sur le dos d'une serre qui sépare les Gardons de Saint-Jean et de Sainte-Croix, en contrebas de la Can de l'Hospitalet. Il constitue une exception.

Partout, les villages, les hameaux, les fermes, cherchent à s'implanter côté adret, le versant exposé au soleil, conduisant à des formes urbaines le plus souvent dissymétriques dès que l'orientation nord/sud est nette, un versant bâti " regardant " un versant non bâti.  

Les fermes : des taches de lumière dans la toison vert sombre des pentes

 
Une ferme et ses prairies de fauche, tache de lumière dans les pentes de la Vallée Française
 

 

 
Différents exemples de fermes, vers Saint-Martin-de-Lansuscle  et en Vallée Française
 
Aux villages et aux villes des vallées s'ajoutent les fermes isolées, qui composent parfois un hameau. Elles s'implantent à la faveur d'une eau disponible, d'une bonne exposition et d'un replat qui rend les terrasses un peu plus confortables. Aujourd'hui noyées dans la couverture boisée, elles forment comme des radeaux vert-clair dans l'océan agité des pentes vert sombre couvertes de forêts.  

Des ouvrages d'art qui magnifient le paysage.

 
Pont dans la Vallée Française
 
Pont sur le Gardon de Saint-Jean à l'aval de Bassurels
 
Pont sur l'Altier, entre Villes Hautes et Villes Basses
 
Murs d'accompagnement de la route dans la Vallée Française (RD983) en amont de Sainte-Croix
 
Une rigole d'irrigation (béal) en Vallée Française
 
Le parcours des Cévennes par les vallées est partout ponctué par des constructions qui témoignent de l'intense activité des hommes pour vivre et mettre en valeur les terres Cévenoles. Aujourd'hui, les plus remarquables sont ceux liés aux déplacements : ce sont les ponts, qui, quelle que soit leur époque, marquent partout le paysage cévenol de leurs arches de pierres pour franchir les rivières : vieux ponts des routes, de forme souvent " génoise " comme en Corse, et audacieux viaducs lancés pour le chemin de fer au XIXe siècle. Mais les murs de soutènement des routes, et de façon p^lus discrète les béals pour irriguer les terres, font également partie de ces ouvrages qui forgent la personnalité des territoires cévenols.  

Un patrimoine industriel qui parle de l'histoire des Cévenols.

Ancienne magnanerie dans la Vallée Française, reconnaissable à sa haute silhouette
 
Les bâtiments les plus originaux sont ceux qui ont été consacrés à l'élevage du ver à soie, par leurs proportions inhabituelles, étirées en hauteur : ce sont les magnaneries, encouragées par Pasteur après ses travaux sur la pébrine, maladie du ver qui dévasta les élevages au milieu du XIXe siècle, mais aussi les fermes séricicoles et les maisons des villages, qui se réhaussent d'un étage pour l'élevage du ver, et les filatures, plus massives et plus " nobles ".

Les traces de l'activité minière sont surtout perceptibles dans le Gard (bassin minier d'Alès), par les formes urbaines particulières des villes nouvelles créées spécifiquement pour l'activité industrielle : Bessèges, le Martinet et surtout la Grand-Combe. Les anciennes exploitations des mines, quant à elles, sont progressivement effacées par les terrassements et les plantations qui les recouvrent, et bien des bâtiments industriels sont détruits.  

 


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