Atlas des paysages - Diren Languedoc-Roussillon
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36. Les Cévennes des serres et des valats

Valeurs paysagères clefs

Une toile de fond bleutée depuis les garrigues, ponctuée de villes-portes.

La barrière bleutée des Cévennes, qui compose l'horizon des garrigues. Ici vue depuis les hauteurs de Barjac.
 
Vues des garrigues et de la plaine languedocienne, les Cévennes forment une toile de fond bleutée permanente et très caractéristique, composée des silhouettes arrondies des monts successifs. Depuis l'aval, l'entrée dans le monde des Cévennes est particulièrement net, notamment de Saint-Hippolyte-du-Fort à Saint-Ambroix en passant par Anduze et Alès : les reliefs démarrent d'un coup depuis la plaine bordière, en vallées et serres successifs.  

Anduze, ville-porte des Cévennes au site spectaculaire, appuyée sur les calcaires jurassiques de la bordure cévenole.
 
Saint-Hippolyte-du-Fort, ville-porte des Cévennes sur le Vidourle, elle aussi appuyée sur les calcaires jurassiques de la bordure cévenole.
 
Cette " mise en scène " de l'arrivée sur la barrière des Cévennes est accentuée par les villes-portes qui commandent les entrées/sorties au débouché des principales vallées : Saint-Ambroix sur la Cèze, Alès sur le Gardon d'Alès, Anduze sur le Gardon d'Anduze, Saint-Hippolyte-du-Fort sur le Vidourle.  

Le calcaire d'Anduze, dont les plissements étonnants sont hérités de la création de la faille des Cévennes (fossé d'Alès) lors de la formation de la chaîne pyrénéo-provençale.
 
Ce sont bien les reliefs qui marquent l'entrée dans les Cévennes, et non les formations géologiques. En effet, de Ganges (dans l'Hérault) aux Vans (dans l'Ardèche), le rebord des Cévennes au contact de la plaine est encore calcaire, comme les garrigues, bien que composé de calcaires plus anciens, jurassiques et non crétacés. C'est particulièrement lisible à Saint-Hippolyte-du-Fort, dominée par les reliefs calcaires du Pic du Midi, du Cengle et de la Banelle, et à Anduze, dominée par les falaises calcaires spectaculaires du Peyremale qu'entaille le Gardon.  

Des vallées profondes et boisées.

 
 Les Cévennes vues depuis le Signal de Saint-Pierre.
 
Exemple de vallée cévenole : la vallée Borgne, Gardon de Saint-Jean, vue depuis la RD 39. En face le serre des Clapisses.
 
Exemple de vallée en V : la haute vallée de l'Hérault, sous l'Aigoual, vue depuis le col de la Serreyrède.
 
Les Cévennes sont principalement organisées en vallées profondes et serres successifs, qui descendent brutalement des hauteurs du Mont-Lozère (1699 m), de l'Aigoual (1 567 m), du Bougès (1 421 m) et du Lingas (), dans un dénivelé de près de 1 400 m. La forte pente, associée aux sols majoritairement sensibles à l'érosion car schisteux, et aux précipitations fortes et abondantes sur les sommets (jusqu'à 2 m d'eau par an concentrées parfois sur quelques journées diluviennes), explique ces découpes profondes en formes de V : l'eau ravine les reliefs avec violence, et les Cévennes forment un monde de pentes, où les replats sont rarissimes et presque luxueux. Se succèdent ainsi, dans une direction globalement sud-est, la Cèze, le Luech, l'Auzonnet, le Gardon d'Alès (Vallée Longue), le Gardon de Sainte-Croix, prolongé par le Gardon de Mialet (Vallée Française), le Gardon de Saint-Jean (Vallée Borgne), la Salendrinque, le Rieutord, l'Hérault, l'Arre, auxquels s'ajoutent une myriade d'affluents plus petits.

Les reliefs prennent néanmoins des formes plus aplanies et plus tabulaires en altitude. C'est vrai pour le mont Lozère, au dôme granitique, mais vrai aussi à 900-1000 m entre Barre-des-Cévennes et Plan-de-Fontmort. Dans ce dernier cas, il s'agit des vestiges de la " pénéplaine anté-triasique ", formée il y a 240 à 200 millions d'années et mise au jour par l'érosion qui a supprimé sa couverture de terrains secondaires.  

Des roches cristallines diverses révélées par l'habitat.

Schiste sur les pentes du signal de Saint-Pierre.
 
Au-delà de la frange calcaire étroite des Cévennes à l'aval, c'est bien le schiste,complété par le granit et le gneiss, qui fait l'identité et l'originalité des vallées cévenoles. Resituées dans une échelle large, les Cévennes apparaissent d'ailleurs clairement comme une avancée en presqu'île du socle ancien de l'ère primaire vers le sud, entre les calcaires des causses à l'ouest et ceux des garrigues à l'est. Les schistes et micaschistes sont nettement dominants dans le paysage cévenol, brillants comme des coquilles d'huîtres. Ils sont issus de la transformation d'argiles, déposées par des mers très anciennes du début de l'ère primaire, datées d'environ 500 millions d'années. Leur composition feuilletée les rend sensibles à l'érosion et, depuis le Quaternaire, l'action du gel et des pluies a conduit à la formation des serres et des vallées successives profondes et raides qui font l'essentiel de la morphologie des Cévennes aujourd'hui.

Les granits, plus durs, plus résistants à l'érosion, sont souvent constitutifs des sommets des Cévennes : Mont Lozère, montagne du Bougès, Mont Aigoual, montagne du Lingas. Ils sont issus des transformations des roches les plus anciennes lors de la formation de la chaîne hercynienne, par la remontée du magma à travers les micaschistes et les gneiss ; ils sont datés d'environ 300 millions d'années.  

Granit jaune et chaud à Saint-Jean-du-gard.
 
Schiste apparent sur les pentes exposées au sud à Saint-Romain-de-Tousques (corniche des Cévennes).
 
Maison de schiste à Mas Herm.
 
Schiste rouille sur une maison à Saint-Romain-de-Tousque (corniche des Cévennes).
 
Granit beige sur une belle maison au nord de Soudargues.
 
Schiste et boules de granit prises à la rivière à Mas Herm, près de Peyremale (vallée de la Cèze).
 
Ces roches particulières marquent beaucoup le paysage cévenol, dans les affleurements rocheux mais aussi dans l'habitat qui, selon sa situation, s'habille de schistes sombres ou de granits, plus clairs, et parfois de grès.  

Des pentes sculptées par le travail l'homme qui disparaissent peu à peu.

 
Terrasses et escaliers au col de Soulages, près de Peyremale, vallée de la Cèze.
 
Terrasses en contrebas de Bédousse.
 
Terrasses cultivées en oignons doux à Notre-Dame-de-la-Rouvière.
 
Reliefs et géologie sont également à l'honneur par les traces omniprésentes des terrasses, soutenues par des murs de pierre, qui ont véritablement sculpté les Cévennes de façon extraordinaire.  

Spectaculaire paysage de terrasses à Bédousse, au nord de Bessèges.
 
Bédousse et ses terrasses ; au fond le château du Chaylard.
 
Par endroits, lorsque les terrasses sont encore ouvertes et entretenues en altitude, le paysage cévenol de pentes ainsi sculptées fait véritablement penser à des paysages asiatiques comme le Yunnan en Chine.
Ces bancels aménagés sont les principaux et émouvants témoins de l'intense mise en valeur des Cévennes par les hommes. La densité de population a culminé dans la montagne entre le milieu du XVIIIe siècle et le milieu du XIXe siècle. L'exode est récent, débutant à la fin du XIXe siècle et s'accélérant entre 1950 et 1980, les pertes de population étant parfois supérieures à 50 % durant ces trente années.  

Colonisation des terrasses par les pins maritimes à Peyremale, vallée de la Cèze.
 
Disparition des terrasses sous les arbres, vallée de la Cèze.
 
La baisse de population entraîne l'abandon des terrasses, édifices fragiles comme des jardins, qui nécessitent la présence constante des hommes pour réparer les murs ou remonter la terre. De façon massive se lit aujourd'hui la conquête des terrasses par les arbres, qui les font disparaître du paysage en les soustrayant au regard et en accélérant la ruine des murs.  

Des villages concentrés dans les fonds de vallées.

 
Saint-Jean-du-Gard.
 
Saint-Jean-du-Gard. Vue du site de la ville dans la vallée du Gardon de Saint-Jean.
 
L'urbanisation linéaire de Lasalle, vallée de la Salendrinque.
 
Le site de Lasalle, dans la vallée de la Salendrinque.
 
Le Vigan, dans la vallée de l'Arre.
 
Le linéaire spectaculaire de Bessèges, qui s'allonge sur deux kilomètres le long de la Cèze.
 
Génolhac, tassée dans la vallée de la Gardonnette.
 
Maisons hautes et étroites serrées les unes contre les autres à proximité de la rivière ; ici Valleraugue, le long de l'Hérault.
 
Les villes et villages des Cévennes apparaissent particulièrement densément construits, tassés et plus souvent allongés dans les fonds des vallées, qui paraissent trop étroites pour les accueillir. Le manque de place, associé aux exigences anciennes de l'élevage du ver à soie, a conduit à monter les maisons jusqu'à trois ou quatre étages. Comme les terrasses, ces formes urbaines et architecturales particulières, plus austères que dans les plaines et garrigues languedociennes, témoignent également de la forte présence des hommes dans les Cévennes jusqu'à une période récente, voire de la surpopulation qui régnait dans les vallées, qu'elle soit liée au développement agricole et séricicole, comme Lasalle et Saint-Jean-du-Gard, ou à celui de l'industrie minière comme Bessèges. En règle générale, les villages se sont implantés de façon dissymétrique, côté adret, le versant exposé au soleil. C'est par exemple très net à Lasalle.  

Le Vigan, centre ville lié au fond de la vallée et extensions qui conquièrent les pentes en terrasses.
 
 Anduze, à droite la ville centre et sur les pentes les extensions récentes.
 
L'exiguïté des fonds de vallées conduit aujourd'hui les communes situées à la bordure des Cévennes, soumises à la pression du développement, à grappiller les pentes raides, souvent taillées en terrasses remarquables, qui cernent la ville.  

Un patrimoine architectural lié à l'exploitation des terres.

 
Bel ensemble architectural pour une ferme en contrebas du col du Mercou, près de Soudargues.
 
Fermes sur un replat sommital vers Portes.
 
Ile verte dans un désert vert : quelques terres cultivées et pâturées autour de fermes (la Méjanelle, Lozère).
 
Aux villages et aux villes des vallées s'ajoutent les fermes isolées, qui composent parfois un hameau. Elles s'implantent à la faveur d'une eau disponible, d'une bonne exposition et d'un replat qui rend les terrasses un peu plus confortables. Aujourd'hui noyées dans la couverture boisée, elles forment comme des radeaux vert-clair dans l'océan agité des pentes vert sombre couvertes de forêts.  

Des ouvrages d'Art qui magnifient le paysage.

 
Le pont de Salindre.
 
Murs de soutènements et murets arrondis sur la RD 39 entre Saumane et Saint-Romain-de-Tousque.
 
Mur de soutènement de la RD 51, à l'approche de Bédousse (nord de Bessèges).
 
Ouvrage d'art de chemin de fer vers Sumène.
 
Pont à Sumène sur un affluent du Rieutord.
 
Pont d'Hérault, ouvrages d'art ferroviaires sur l'Hérault.
 
Pont d'Hérault, ouvrages d'art ferroviaires sur l'Hérault.
 
Pont sur l'Arre au Vigan.
 
Pont-du-Rastel qui enjambe élégamment le Luech.
 
Le parcours des Cévennes par les vallées est partout ponctué par des constructions qui témoignent de l'intense activité des hommes pour vivre et mettre en valeur les terres Cévenoles. Aujourd'hui, les plus remarquables sont ceux liés aux déplacements : ce sont les ponts, qui, quelle que soit leur époque, marquent partout le paysage cévenol de leurs arches de pierres pour franchir les rivières : vieux ponts des routes, de forme souvent " génoise " comme en Corse, et audacieux viaducs lancés pour le chemin de fer au XIXe siècle.  

Un patrimoine industriel qui parle de l'histoire des cévenols.

 
Magnanerie près de Valleraugue, vallée de l'Hérault.
 
La filature bien visible au pont de Salindre (Thoiras), l'une des dernières construites dans la région.
 
La filature du Mazel, sur la commune de Notre-Dame-de-la-Rouvière : ancien moulin à blé transformé en filature en 1837. Le SIVOM de Valleraugue l'a restaurée et la filature abrite aujourd'hui les activités de dévidage et moulinage de SERICA : c'est l'unique filature soyeuse de la Communauté européenne.
 
Les bâtiments les plus originaux sont ceux qui ont été consacrés à l'élevage du ver à soie, par leurs proportions inhabituelles, étirées en hauteur : ce sont les magnaneries, encouragées par Pasteur après ses travaux sur la pébrine, maladie du ver qui dévasta les élevages au milieu du XIXe siècle, mais aussi les fermes séricicoles et les maisons des villages, qui se réhaussent d'un étage pour l'élevage du ver, et les filatures, plus massives et plus " nobles ".  

Traces d'exploitation minière de la Grande Baume.
 
Remodelage des anciens sites miniers près de Grand-Combe.
 
Puits du Goufre à la Grand-Combe, rare trace d'architecture minière industrielle encore existante, datant de 1901.
 
La Grand-Combe et le Gardon d'Alès.
 
Les traces de l'activité minière sont surtout perceptibles dans le bassin minier d'Alès, par les formes urbaines particulières des villes nouvelles créées spécifiquement pour l'activité industrielle : Bessèges, le Martinet et surtout la Grand-Combe. Les anciennes exploitations des mines, quant à elles, sont progressivement effacées par les terrassements et les plantations qui les recouvrent, et bien des bâtiments industriels sont détruits.  

Un couvert forestier quasiment total mais diversifié.

 
Sommet dégagé de l'Aigoual, pâturé et marqué par les blocs granitiques au premier plan, et ouvertures visuelles vers la Lozère.
 
Les pentes entièrement boisées de la haute vallée de l'Hérault, en contrebas de l'Aigoual.
 
Hormis les sommets les plus élevés, ceux du Mont Lozère et une petite calotte du Mont Aigoual, couverts de landes, de pelouses d'altitude et de tourbières, la forêt est aujourd'hui partout présente sur les pentes des Cévennes, coiffant les sommets, les pentes et, de façon plus problématique, occupant même les fonds des vallées habités et circulés.  

Le manteau forestier de l'Aigoual vu depuis la RD 986, à l'est de Lanuéjols : paysage boisé des hautes Cévennes, où se mêlent, parfois en futaie jardinée, des essences diverses : mélèzes, épicéas, hêtres, frênes, érables, pins laricios et pins sylvestres.
 
La hêtraie des pentes de l'Aigoual.
 
Si le couvert végétal paraît aujourd'hui quasiment omniprésent, les essences varient très fortement selon les secteurs du fait des variations d'altitude et d'exposition, composant des paysages nettement différents selon que l'on soit environné de chênes verts à l'aval, aux accents méditerranéens marqués, ou de hêtres et de sapins à l'amont (à partir de 900 m d'altitude), qui composent des ambiances forestières montagnardes et humides.  

Boisements de pins maritimes qui se substituent aux châtaigniers, vers Génolhac.
 
Etendues de pins maritimes entre la Vernarède et Portes.
 
Les données naturelles ne sont pas seules à entrer en jeu dans le paysage végétal des Cévennes. Dans le bassin minier d'Alès, les pins maritimes coiffent les pentes de façon presque exclusive. Ils ont été plantés par les compagnies minières qui avaient besoin de bois de mine pour la construction des puits et des galeries.  

Châtaigniers en taillis encore en tenue hivernale sur le versant à gauche exposé au nord et chênes verts dominants sur le versant à droite exposé au sud ; vue depuis Cap de Coste sur un vallon affluent de l'Hérault, entre Sumène et Pont-d'Hérault.
 
Vieilles cépées de châtaigniers au col de Saint-Pierre.
 
Taillis de châtaigniers sur les sables des arènes granitiques dans la forêt domaniale de la vallée Borgne.
 
Vieux verger de châtaignier vers Concoules.
 
Entre 300 et 900 m d'altitude, le châtaignier occupe encore de vastes surfaces, favorisé pendant des siècles par les hommes au détriment du chêne dont il occupe l'étage climatique.
Depuis l'explosion démographique du XVIe siècle jusqu'aux années 1950, il constituait " l'arbre à pain ", nourrissant hommes et bêtes. On le rencontre aujourd'hui principalement sous forme de taillis (les bouscas), aux sous-bois appauvris par l'ombre dense et l'épais tapis de feuilles à la décomposition lente. Plus rarement on trouve encore des traces de cultures de châtaignier en verger, où l'arbre était planté, greffé et soigné pour la production des châtaignes.  

Taches grises de châtaigniers morts dans le manteau vert des pins, donnant un aspect de peau de léopard aux pentes, ici dans la vallée Borgne (Gardon de Saint-Jean).
 
Les branches mortes qui blanchissent au soleil trahissent les maladies qui frappent le châtaignier : l'encre, apparue en 1871 et l'endothia (ou chancre de l'écorce) à partir de 1957. La première est due à un champignon, (phytophthora) qui attaque les racines et provoque la mort de l'arbre ; la seconde est aussi due à un champignon qui pénètre dans l'arbre à la faveur d'une blessure et provoque la mort de la partie supérieure de l'arbre. Il reste encore aujourd'hui environ 40 000 hectares de châtaigniers sur l'ensemble des Cévennes.  

Terrasses plantées de mûriers au col du Mercou, près de Soudorgues.
 
Quant aux mûriers (mûrier noir et mûrier blanc), ils ont à peu près disparu du paysage cévenol, quelques rares individus taillés en têtard constituant les ultimes témoins d'un arbre qui a été pourtant omniprésent dans les Cévennes pour nourrir de ses feuilles les voraces vers à soie.  

 


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